Chômage monstre

On pourrait facilement imaginer d'échanger un tas de choses à partir de ce texte "Chômage monstre" d'Antoine Mouton. Beaucoup d'allusions à ce qui est connu mais presque pas évoqué parfois, sur le travail – ou sur le chômage – et aux rapports sociaux qu'il fait naître. Il y a aussi, en sous-main, et surtout dans le premier texte "Poème à laisser sur la note au moment de régler l'addition" la question de ce que le refus de travailler implique. Thème qui existe déjà en littérature (Il y a les exemples des bohémiens de Murger, de Bartleby et de Jérôme K. Jérôme dont Claro parle très bien ici : https://www.youtube.com/watch?v=d1u3McdyXjY). Mais c'est réellement, chez Mouton, sur le langage que se joue l'affaire, et de manière tout à fait novatrice, créatrice, poétique. "Travail", "Chômage", "Argent", "Société" sont en effet des mots déjà très occupés, abondamment utilisés dans les propos politiques. "Chômage monstre" devient par moment une matière très libre, qui permet au lecteur de voir ces mots autrement, au sein d'une expérience proprement littéraire. Ce qui n'est jamais dit explose dans "Dire/entendre/penser", pour moi la meilleure partie du recueil.

"après quoi dire qui
il y eut un temps où celui qui me définissait m'insultait
mes protestations disaient toutes : je suis plus grand plus vaste que ce que tu peux penser de moi, je ne saurais être contenu dans une seule phrase, je suis un long récit, une épopée, et il se peut que certaines pages en contredisent d'autres
même multiple je ne veux pas l'être seulement
je suis un aussi, et deux, et trois, et trois et demi, et infini
je suis tout cela et tout est vrai et rien ne l'est définitivement"