AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Jooh


Jooh
08 septembre 2014
« C'est l'histoire d'une famille pas comme les autres. D'une petite fille un peu geek qui aimait les maths plus que le maquillage. Et d'un garçon qui aimait le maquillage et ne rentrait dans aucune tribu. Et voilà ce qui arrive aux familles qui ne sont pas comme les autres : elles finissent brisées, fauchées et tristes. Pas de fin heureuse ici, les amis. » Ne vous fiez pas à cette citation, pourtant empruntée à la page 429, car ici – et cela ne fait aucun doute aux lecteurs dès les premiers chapitres entamés – vous n'aurez pas droit à une histoire à grand suspens, vous ne rencontrerez pas au cours de ces 500 pages le moindre rebondissement faisant preuve d'originalité, et surtout, vous n'échapperez pas au Happy End, très convenu, et honnêtement, très cliché. Peut -être que si l'histoire racontée avait été en accord avec la citation susmentionnée, une histoire sombre aux personnages déchirés et désespérés, elle m'aurait davantage plu, davantage ému. Ici, trop d'optimisme, trop de solutions à tous les problèmes, trop de situations irréalistes pour me convaincre.

Pour autant, et malgré cette sensation manifeste de déception, je ne peux affirmer sur un ton péremptoire que j'ai absolument tout détesté dans « Jamais deux sans toi ».
En dépit des défauts de l'intrigue, je dois reconnaître que Jojo Moyes possède une plume sympathique et prenante ; car, même si aucune de ses tentatives de rebondissements ne m'ont surprise, je dois bien avouer que j'ai tourné les pages de ce livre à grande vitesse. du reste, j'ai très envie de qualifier son écriture de « filmique », et j'ai souvent eu la sensation de lire un scénario : le fait que chaque chapitre porte le nom d'un des personnages principaux et se place de son point de vue renforce encore ce sentiment. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai envie de rapprocher « Jamais deux sans toi » – et ce de façon assez inédite pour un livre – avec deux films : « Little Miss Sunshine » et « Donne-moi ta main ».

En effet, le road-trip en voiture, où toute la « famille » s'embarque – ici à travers l'Angleterre jusqu'en Ecosse – dans le but de conduire la petite soeur « gagnante » à sa compétition, dans notre cas une compétition de Mathématique, m'ont évidemment rappelé l'excellent « Little Miss Sunshine ». de plus, dans les deux cas, le concours se solde par un échec ; mais l'épopée aboutit surtout à une prise de conscience de chaque protagoniste, et permet de souder les liens entre tous les passagers ; on retrouve d'ailleurs la même figure du grand frère, d'abord un peu perdu, indifférent, froid et solitaire, puis qui devient peu à peu protecteur, attentionné et plus confiant en lui et son avenir. Bref, l'idée est intéressante, mais justement déjà vue et brillamment mise en scène dans le film, donc « Jamais deux sans toi » ne peut m'apparaître autrement qu'une copie moins recherchée, plus floue et même moins sensible. Je regrette également que Jojo Moyes n'ait pas utilisé ce périple comme prétexte pour nous faire voyager, et nous offrir quelques descriptions des paysages alentours, qui m'auraient sans aucun doute ravie.

Et puis, évidemment, on ne peut comparer la romance du livre qu'à une comédie romantique, qui, là encore, ne laisse pas vraiment de doute quant à son issue heureuse ; mon choix aurait pu se porter sur un autre titre possédant la même structure, mais pour l'avoir vue récemment, « Donne-moi ta main » est celle qui me vient en premier à l'esprit. Dans « Jamais deux sans toi », ‘l'héroïne', Jess, cumule les jobs pour s'en sortir, connaît des fins de mois difficiles et ne se permet aucun extra au risque de s'endetter et de perdre pied ; Ed, le ‘héros', entrepreneur et chef de sa propre entreprise, possédant deux voitures, et vivant oiseusement dans un logement luxueux, ne rencontre pas des problèmes de même nature : il est, lui, poursuivi pour délit d'initié et en attente de son procès. le hasard veut que Jess fasse le ménage chez Ed ; mais elle le déteste tout à fait et lui en est parfaitement indifférent. Qui plus est, leur quotidien, leur éducation, leur niveau social, leurs préoccupations, tout semble les séparer, et pourtant… La situation est un peu différente pour les protagonistes du film, mais la construction similaire : un homme et une femme d'un milieu totalement opposé, « contraints » de faire un voyage l'un en compagnie de l'autre malgré leurs mépris réciproques, et qui, au fil des multiples péripéties qu'ils rencontrent au cours de leur aventure, ne se sentent plus si dissemblables que ça, commencent même à s'apprécier, et plus encore… Certaines scènes se font d'ailleurs clairement échos, notamment quand les deux personnages principaux doivent se comporter comme mari et femme chez un logeur et qu'ils se rendent compte qu'ils ne sont finalement pas si mal ensemble… Sans grand effort d'imagination, tout le monde aura deviné comment tout cela finit.

Il y a tout juste un an, je découvrais l'auteure avec « La Baie des Baleines », et, malgré là encore une intrigue attendue, j'avais été plutôt charmée par la douce évasion que ce roman m'avait procurée. En refermant « Jamais deux sans toi », je me rends compte qu'à peu de choses près, l'histoire et les thèmes abordés sont les mêmes, recyclés et transposés dans un cadre spatio-temporel différent, la saveur du voyage, l'intéressant message écologique, et, c'est dommage, les émotions en moins.

Pour résumer et sans grande surprise, je n'ai pas vraiment été convaincue par le mélange de lieux communs et de situations tout aussi improbables que prévisibles, qui font de « Jamais deux sans toi », malgré sa sincérité, un livre dont je déplore surtout le peu d'originalité. Je tiens néanmoins à remercier l'opération masse critique, ainsi que les éditions Milady pour m'avoir permis de me faire un avis en avant-première sur ce roman à paraître de Jojo Moyes.
Commenter  J’apprécie          502



Ont apprécié cette critique (28)voir plus




{* *}