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Critique de frandj


J'ai déjà lu plusieurs livres de Marion Muller-Colard, qui concernent la spiritualité pratique, celle qu'il est possible de méditer et de mettre en action au jour le jour. Tous sont courts, mais ils ne sont pas "petits" car ils nous aident à monter une marche dans notre humanité hésitante ou souffrante.
Celui-ci me semble précieux. Il se centre sur le Livre de Job dans l'Ancien Testament, qui pose le problème de la responsabilité de Dieu dans le Mal. Job est un "juste" très pieux, qui se retrouve dépossédé de toutes ses richesses et accablé d'un ulcère, à la suite d'une sorte de "pari" entre le Seigneur (Yahweh) et l'Adversaire (Satan). Tout le monde connait l'image de cet homme qui, sur son tas de fumier, se refuse à maudire Dieu. A dire vrai, le texte intégral dans la Bible me parait un peu fastidieux, mais Marion Muller-Colard en communique l'essentiel dans son propre livre. de plus, à sa manière discrète, l'auteure fait aussi référence à sa souffrance de mère, dont le fils est passé très près de la mort, alors qu'il était presque nouveau-né: elle nous fait comprendre à demi-mots que cette épreuve l'a conduite à une sévère dépression – une "dépression métaphysique", dont elle s'est relevée difficilement. Toujours proche de son expérience vécue, elle la met en relation avec le destin de Job.
L'homme a un puissant besoin de comprendre et d'être protégé. C'est la motivation du "contrat" qu'il passe avec Dieu: c'est du donnant-donnant. Et si un malheur frappe une personne, ce serait nécessairement parce qu'elle aurait fait une faute grave, pour laquelle elle doit être punie. Sinon, la justice divine serait-elle injuste ? mais... Dieu peut-il être injuste ? L'auteure dénonce ce type de problématique. Ayant médité sur cette question cruciale, elle finit par écrire: « Rien n'est injuste, car cela voudrait dire que quelque chose est juste » (p. 74). Et personnellement j'oserai ajouter: rien n'est juste, non plus, car cela voudrait dire que quelque chose est injuste. « Les voies du Seigneur sont impénétrables », disent certains. Marion Muller-Colard, qui se considère d'une certaine manière comme une « agnostique », préfère écrire: « Je sonde, chaque jour un peu plus, à quel point je n'ai pas la connaissance de ce Dieu en qui je crois » (p. 44) D'ailleurs, si je reviens maintenant au texte originel dans la Bible, je lis que Dieu demande directement à Job s'il comprend ce que c'est d'être Dieu ! Que peut répondre Job, si ce n'est reconnaitre son ignorance (et confesser sa soumission) ?
Au lieu de marchander comme un boutiquier, au lieu de raisonner comme si la vie humaine répondait à une logique stricte et basique, au lieu de se demander « pourquoi ? », il vaudrait mieux se poser une question toute différente: « pour quoi ? » (en deux mots), qui ouvre un nouvel horizon au lieu de le borner. L'Evangile suggère cette attitude. La souffrance physique ou morale n'est pas une fin, elle n'est ni juste ni injuste, et c'est surtout une occasion offerte pour "rebondir", si on peut. Ici, l'auteure s'appuie aussi sur sa douloureuse expérience personnelle: le moment intense où, au chevet de son fils près d'achever sa jeune vie, elle découvre en elle « la fulgurante acceptation qu'il puisse mourir », ce qui « était peut-être la première véritable prière de [s]a vie ». (p. 82)
Naturellement, l'homme – croyant ou non – a toujours eu et aura toujours les plus grandes difficultés à accepter les épreuves qu'il traverse. La réflexion de Marion Muller-Colard sur ce sujet grave fait du bien, mais rien ne me garantit que je peux la mettre en pratique au moment décisif: ça passe ou ça casse...
En tout cas ceci est un beau livre à lire, et surtout à relire à tête reposée. Je profite de cette occasion pour signaler le livre à la fois très sombre et très lumineux de Lytta Basset, intitulé "Ce lien qui ne meurt jamais", abordant exactement le même thème.
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