Parfois, derrière , des visiteurs nous regardaient. Ils nous jetaient de la nourriture, fruits, pain, qu'on enterrait en grattant la terre pour la manger en cachette.
4000 enfants juifs, mes compagnons de route, Rosa, Joseph, Henri, Nathalie, qui se réjouissaient de l'été, la tête emplie de projets et de promesses.
Mes 4000 compagnons de Vel d'Hiv, de Beaune, de Pithiviers, de Drancy.
Partis en train pour un très long voyage. Mes amis qui, comme moi faisaient des rêves. Ils sont tous morts, tous morts, tous morts.
Ma mère, un doigt sur la bouche, entra dans la chambre. Je me suis levée en silence, Henri et Jean dormaient encore. J'aidai ma mère à leur enfiler les chaussettes. Nos mains se sont rencontrées. Ma mère me lança un regard tendre et rapide. En habillant mes frères, doucement et silencieusement, je sentis, entre ma'mere et moi, une solidarité de femmes.
Je voulais juste qu'on parle des enfants...
Je ne voulais plus vieillir, ni grandir. Je voulais que le temps s'arrête, sans passé, ni avenir. Dans mon lit, le drap recouvrant ma tête, je pleurais.
Nous les enfants, nous ne comprenions pas la signification du mot camp. Nous apprenions que tel ou tel de nos voisins avait disparu, enfermé dans un camp. Ce devait être une prison immense où les gens travaillaient à s'en rendre malades. Comme Armand, un des deux frères de Rachel, dont on apprit qu'il venait de mourir de tuberculose dans le camp de Juifs où on l'avait enfermé.
"Je ne veux pas être une Chinoise, répondis-je, les Chinois sont jaunes et moches. Jamais je ne voudrais leur ressembler !" L'expression de Lotte devint sévère : "Ne parle pas comme une sotte, me dit-elle, les Chinois sont comme toi et moi, comme les Juifs et comme les noirs. Toutes les couleurs de peau sont belles. Tous les hommes sont dignes de respect. N'oublie jamais cela."
Un jour, on nous a poussés vers une baraque, nous tirant d'un côté et de l'autre. A l'intérieur, posées sur une table, des toiles jaunes qu'on nous cousait sur les vêtements. On nous les traçait également à la peinture jaune, avec un pinceau trempé dans des grands seaux. Ca dégoulinait sur la poitrine, éclaboussait sur le sol.