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Critique de Floccus



"Je ne crois plus aujourd'hui que les secrets des gens soient définis et communicables, ni que leurs sentiments soient pleinement épanouis et facilement reconnaissables. Tout ce que je puis dire, c'est que les soeurs de mon père frottaient le plancher à la lessive, qu'elles nettoyaient l'avoine et trayaient les vaches à la main. (...) C'était cela, leur vie. Les cousines de ma mère se comportaient autrement : elles se déguisaient, se photographiaient mutuellement, elles disaient des boutades. Quel qu'ait été leur comportement, elles sont toutes mortes maintenant. Je transporte quelque chose d'elles, en moi. Mais la pierre a disparu, le mont Hébron a été tronqué, et cette vie qui est enterrée là, il faudrait y réfléchir à deux fois pour la regretter." (61)

La construction de la première partie de "Les Chaddeley et les Fleming" est terriblement émouvante avec ce canon qui revient en motif de fin. J'ai aimé la compagnie des quatre demoiselles aux "lourdes poitrines impressionnantes" et aux "ventres et postérieurs amples et corsetés" qui viennent bousculer la vie convenable de leur cousine de la campagne et de sa famille, leur fournissant "un lien (...) avec le monde réel, prodigue et dangereux".

Passé "La saison des dindes", et jusqu'aux dames Cross et Kidd dans leur maison de retraite, le recueil prend une tonalité très intérieure. Les nouvelles tournent principalement autour des relations amoureuses : tomber en amour, quitter, se libérer, s'attacher, regretter. Désarroi et désordre des vies. Les gens ne se rencontrent pas vraiment. Toute relation semble être un malentendu avec lequel on se débrouille comme on peut. J'ai eu du mal à trouver une accroche véritable avec ces récits, j'ai survolé. C'est le livre d'Alice Munro que j'aurai le moins apprécié de toutes mes lectures. Elle y dessine un rapport singulier à l'existence et aux êtres, semble nous demander avec tristesse ce que nous fabriquons là, à tourner en rond.

"Pas le temps de dire ouf. Roberta ne crie pas. Georges ne met pas le pied sur le frein. La grosse voiture les dépasse, comme un bolide, un énorme bolide noir, sans lumière et semble-t-il, sans bruit. Elle sort du maïs noir et remplit l'espace, droit devant eux, de la façon dont un gros poisson plat, glissant dans l'eau, paraît surgir soudain dans l'aquarium. Elle ne semble pas être à plus d'un mètre de leurs phares. Et puis, partie ! disparue dans le maïs, de l'autre côté de la route. Ils continuent. Ils continuent sur la route du Téléphone, tournent dans l'allée, s'arrêtent et restent assis dans le camion, dans la cour, devant la forme noire de la maison à demi restaurée. Ce qu'ils éprouvent n'est ni de la terreur, ni de la gratitude - pas encore. C'est une impression d'irréalité. Ils sont comme la voiture fantôme, le poisson noir : irréels, aplatis, ils planent, détachés des événements passés et à venir." (243)

Lien : http://versautrechose.fr/blo..
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