AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de mariecesttout


D'emblée, Alice Munro , dans la deuxième partie de la première nouvelle, annonce la couleur sur son projet d'écriture.
Une tombe, d'un " ermite" inconnu. Recueilli pour ses derniers moments par un fermier et ses filles, qui sont les tantes de la narratrice. Qui était cet homme et que s'est-il passé? On n'en saura rien.
"Plus jeune, j'aurais imaginé une histoire . J'aurais affirmé que Mr Black était amoureux d'une de mes tantes.."etc
"Plus tard.. j'aurais établi une relation plausible et horrible entre son silence et la façon dont il est mort."
Mais..: "Je ne crois plus aujourd'hui que les secrets des gens soient définis et communicables, ni que leurs sentiments soient pleinement épanouis et facilement reconnaissables. Je ne le crois pas. Tout ce que je puis dire, c'est que les soeurs de mon père frottaient le plancher à la lessive, qu'elles moyettaient l'avoine et trayaient les vaches à la main."

Voilà.. Elle ne peut plus raconter que ce qu'elle voit, ou a vu. A nous, ou non, d'imaginer le reste. Alice Munro ne fait que montrer. Et surtout pas démontrer, même si les personnages de ces nouvelles, le plus souvent des femmes, mais pas toujours, "démontrent" elles-même. A travers son regard. Dans ce qu'elle leur fait dire. En particulier, et c'est un thème récurrent, les situations dans lesquelles ces femmes s'engouffrent continuellement, en répétant encore et encore , notamment les choix de conjoints ou compagnons qui ne pourront jamais leur apporter ce qu'elles souhaitent, faisant ainsi leur propre malheur. Alice Munro capte un moment d'existence de ses personnages , en laisse deviner d'autres dans leur futur , conséquences logiques pour le lecteur, ne conclut jamais, ne juge jamais. C'est un regard acéré et très .. féminin.

La part autobiographique existe certainement, mais n'a pas grande importance, à mon avis. Par exemple dans la dernière nouvelle qui donne son titre au recueil, peu importent finalement les circonstances de la mort d'un père. C'est plus un éclair de compréhension dans le cerveau d'une femme, d'une fille et d'une mère. Ce qui a manqué dans ses relations avec lui, et il est trop tard. Ce qu'elle a manqué dans ses relations avec ses filles, et il est bien tard aussi. Cette femme en tirera-t-elle des conclusions? Peut être. Moi, lectrice, oui, mais pour moi, c'est .. décrypté avec brio.

Ces nouvelles sont très denses , dans tout ce qui n'est pas dit, d'une part qui pousse l'imaginaire, et aussi car au milieu de la banalité du récit lui-même , il ne faut pas rater " la" phrase ", ou même le mot qui ouvre sur autre chose.

"Brian était simplement quelque chose qu'il fallait supporter, comme le froid glacial du hangar où on vidait les dindes et l'odeur de sang et de boyaux".
Rien à en dire de plus, de ce Brian? Si, plus tard , bien après.

Il n'y a aucune sentimentalité, aucune étude psychologique , tout juste ressent-on une empathie certaine pour ses personnages.
En tout cas, la lucidité d'un regard. le sien.


Commenter  J’apprécie          164



Ont apprécié cette critique (16)voir plus




{* *}