- Ouille, aïe, dit-il en se frottant le ventre, j’ai trop mangé, j’ai chaud, j’ai mal au cœur, je suis malheureux, le plus malheureux des ogres !
- C’est bien fait, dit Mystère, vous mangez trop d’enfants. Si vous continuez comme cela, vous aurez des ulcères à l’estomac, des crampes dans les doigts de pied et des points noirs sur le nez !
- Oh non, non… Je ne veux pas, se lamenta l’ogre, pas de crampe dans les doigts de pied !
Dans ces contes traditionnels, les héroïnes ne sont pas toujours bien traitées (on leur confie les travaux les plus durs, on cherche à s’en débarrasser). Elles ne doivent leur salut qu’à une fée ou à un prince qui viennent les délivrer.
Mais pour Mystère c’est différent. Elle n’aurait pu se glisser dans les pages de ces contes d’antan, car si la chance lui sourit, c’est parce qu’elle en a décidé ainsi : elle agit sur son propre destin. L’auteur a fait un clin d’œil aux contes d’autrefois, mais la petite fille ressemble aux enfants d’aujourd’hui. Elle se défend, exprime ses idées et ne se cache pas, terrifiée, à la vue de l’ogre, du loup ou de la sorcière.
- Quand on est végétarien, monsieur l’ignorant, on ne mange plus de viande. Seulement de la soupe au potiron et des épinards à la crème.
- Et on n’a pas de crampes dans les doigts de pied ?
- Ni de points noirs sur le nez !
Au goûter, l’ogre ne mangea pas du tout la petite fille Mystère. Il prit comme elle un grand bol de soupe en agitant ses doigts de pied.
Mystère resta une semaine chez l’ogre, mais l’ogre faisait des tas de caprices pour ne pas manger ses épinards.
L'aînée, avec ses belles robes, ne pouvaient pas faire grand-chose. Elle tricotait un peu. Roussotte cousait. Bruna brodait des mouchoirs en faisant des cœurs partout. Comme Mystère ne craignait pas de salir, on lui laissait le soin de nettoyer tout le château. Elle jettait des seaux d'eau dans les escaliers puis elle les savonnait. Jouer avec l'eau, justement, Mystère adorait ça !