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Simple de Marie-Aude Murail
- C'est pas si simple que ça. - C'est moi, Simple. - Eh bien, moi, je m'appelle Compliqué. |
Aujourd'hui, je vous emmène à la rencontres de jeunes filles qui - dans la seconde moitié du XIXe siècle - ont fait le choix de s'extraire de leurs carcans et dévoiler au grand jour leur amour (et leur compétence !) de l'art et des sciences... Miss Charity - héroïne de Marie-Aude Murail, inspirée de Beatrix Potter - est l'une d'elle, et vous verrez comment les combats d'une jeune fille, puis d'une jeune femme, de la très bonne société anglaise il y a 150 ans peuvent trouver un écho dans les combats féministes d'aujourd'hui...
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Simple de Marie-Aude Murail
- C'est pas si simple que ça. - C'est moi, Simple. - Eh bien, moi, je m'appelle Compliqué. |
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Oh, boy ! de Marie-Aude Murail
Pendant les 15 jours qui suivirent, les deux frères firent des efforts pour ne pas se heurter. Lorsque Siméon, lisant Nietzsche, voyait son frère relire son Spirou, il se permettait tout juste de lui demander affectueusement : - Tu n'avais pas bien compris la première fois ? A quoi Bart répondait, non moins affectueusement : - Je t'emmerde. " |
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En nous beaucoup d'hommes respirent de Marie-Aude Murail
Vais-je avouer que j'ai pleuré en lisant les lettres de maman ? Que je pleure presque chaque matin en pensant à mon père ? Sonder les gouffres que les morts ont laissés en nous n'a rien de mortifère. Ce qu'il est au contraire, c'est de croire qu'on « fait son deuil ». Expression stupide. On ne fait pas son deuil, on regarde à côté. Et on a tort. « On ne se console pas de la mort de celui ou de celle qu'on aime parce que le temps passe, que la plaie se referme et que l'on finit par oublier. Bien au contraire : on s'en console lorsqu'on arrive à vivre une sorte de compagnonnage heureux avec son mort. Je crois qu'il y a là une étrange réalité, dont personne n'ose parler : non seulement nous vivons avec nos morts, mais cette relation intérieure que nous avons avec eux et une des choses les plus intenses et des plus belles qui nous soit échu de vivre ». Alexandre Lacroix. |
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Oh, boy ! de Marie-Aude Murail
Bart s'assit dans le fauteuil et les deux frères se regardèrent. Un même sourire les unit ou la tendresse se mêlait à la moquerie. -Merci pour tout, dit Siméon -Merci pour le reste. Merci d'être entré dans ma vie sans crier gare. Merci d'en avoir changer le cours et de m'avoir changé. Mais tout cela ne s'avoue pas quand on est le frère aîné, Bart n'ajouta rien. |
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En nous beaucoup d'hommes respirent de Marie-Aude Murail
Papa est mort à l'hôpital … je ne me souviens plus du nom. Un grand hôpital parisien. Il a été accepté dans le service de gérontologie après un passage aux urgences. La nourriture été servie froide et restait sur la table si personne ne venait aider le malade à manger. Quand on circulait dans les couloirs, des appels à l'aide et des odeurs d'urine s'échappaient des chambres. Là tout n'était qu’angles et pointes, inconfort, puanteur et misère. Quand je n'en pouvais plus de voir mon père souffrir et de l'entendre geindre, j'allais prendre un café à la cafétéria. Je traînais, je mangeais un croque, j'espérais le trouver endormi en mon absence, terrassé par quelque drogue. Son dernier sourire fut pour un documentaire animalier, des petits oiseaux sur l'écran près du plafond. Je lui lus à voix haute la préface à un de ses ouvrages, rédigée par un philosophe. Je n'ai pas compris grand-chose mais il parut content, si ce mot avait encore un sens dans cet univers qui n'en n'avait plus. J'ai essayé de lui masser l'épaule, il n'y avait plus que de l’os. Mais quelque chose a pris vie dans son regard, un étonnement de nouveau-né qui sent la caresse d'une main. Il se rappelait peut-être ce qu'est un contact humain. Un jour, remontant de la cafétéria, je suis entrée dans la chambre sur la pointe des pieds. Il était la proie d'un sommeil douloureux. J'aurais pu attendre un peu, qu'il revienne à la conscience. Mais j'ai attrapé furtivement mon manteau, mon sac, évitant son champ visuel si jamais il s’éveillait, pensant à mon train vers Orléans, mes enfants, la chaleur de ma maison. Fuir. Je me suis dit que je reviendrais le lendemain, que je me comporterais mieux, que je resterais plus longtemps. Puis le lendemain matin, Elvire m'a téléphoné pour me dire qu'il venait de mourir. + Lire la suite |
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Miss Charity de Marie-Aude Murail
« Je suis dans ma vingt-troisième année. Mais je me sens plus âgée. Et pourtant, je n’ai presque rien vécu. Les années immobiles comptent peut-être doubles. » (p. 425)
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Simple de Marie-Aude Murail
Après avoir avalé un kilo de nouilles à eux deux, ils se retrouvèrent dans la minuscule chambre que la grand-tante avait mise à leur disposition. Kléber sortit son téléphone portable. Simple l'épiait toujours. - T'as un téphélone, toi, dit-il d'un ton d'envie. Pourquoi j'ai pas un téphélone ? - Parce que tu es trop petit, répondit distraitement Kléber. Alors, 01... 48... - 12, 3, B, 1000, 100. Kléber se passa la main sur le front. son frère l'avait encore embrouillé. De toute façon, à quoi bon appeler leur père ? Monsieur Maluri ne connaissait qu'une solution : l'institution. Il lui dirait de remettre Simple à Malicroix. - Coucou ! fit une voix malicieuse. Simple, assis en tailleur sur le lit, cachait quelque chose derrière lui. Il répéta "coucou" sur un ton prometteur. deux oreilles de tissus flasque et grisâtre dépassèrent de son dos. Il les agita. - Manquait plus que lui, marmonna Kléber. - C'est qui ? - Je ne sais pas. Il fallait faire durer le plaisir. - C'est avec "in" dedans, dit Simple. - C'est un lutin ? - Non ! - C'est un requin ? Simple s'étouffait de rire. - C'est monsieur Pinpin ? - Ouiiii ! hurla Simple en brandissant un vieux lapin en peluche dont les oreilles avaient la tremblote. + Lire la suite |
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Miss Charity de Marie-Aude Murail
K.A. Nous sommes tous dans la boue, mais certains d'entre nous regardent les étoiles. Moi C'est de Mr Wilde ? K.A. Oui. Moi Pourquoi me dites-vous cela ? K.A. Parce que je pourrais descendre en Enfer avec vous, je verrais toujours le Ciel...Pardonnez-moi, je n'ai pas déjeuné. Je suis toujours romantique quand j'ai l'estomac vide. Le bonjour, Miss Tiddler. |
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Miss Charity de Marie-Aude Murail
- Qu'est-ce qu'elle a ? Est-elle malade ? - Elle est folle. Elle récite du Shakespeare au milieu de tout un ramassis de bestioles ! J'ignore d'où elle tenait son information, mais je dus reconnaître que que c'était un assez bon résumé de ma vie. |
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En nous beaucoup d'hommes respirent de Marie-Aude Murail
Elle [Marie-Aude Murail à l’âge de 12 ans] : De toutes mes forces je refuse the murder of soul ! L'assassinat d’une âme à cause de deux ou trois bambins. Le matériel ne me tuera pas. Frotter les cuivres, faire l’argenterie, vu ? Dans une famille chacun doit porter sa part de médiocrité quotidienne ou bien il y a une sacrifiée. L'éternelle sacrifiée. Mais moi, je ne serai pas celle-là. Pas par égoïsme mais par refus de la facilité, je ne serai pas celle-là. Moi [Marie-Aude Murail aujourd’hui] : Tu refuses d'être une femme comme « celle-là », j'ai refusé d'être une mère comme « celle-là ». Puis j'ai été une femme comme les autres, une mère comme toutes les mères. Est-ce que je le regrette ? C'est ça que tu veux savoir ? Je me suis parfois étonnée de ce que maman se satisfit d'une vie artistique par procuration, mais j'ai été blessée de ce que mon père, malgré ses quatre enfants, considérait sa vie comme ratée parce qu'il était un poète incompris. Qu'est-ce que j'en conclus ? Que pour moi le carton plein, la vie réussie, c'est Dickens et ses dix enfants ? Mais il s'agit là d'une figure masculine. Si tu regardes du côté des femmes écrivains, que vois-tu ? Jane Austen, pas d'enfant ; les sœurs Brontë, pas d'enfant ; Madame d'Aulnoy, une « Chatte blanche » et un « Oiseau bleu » ; Béatrix Potter, des lapins ; Marguerite Yourcenar, pas d'enfant ; Colette, une fille à 40 ans ; Alexandra David-Néel, un fils adoptif tibétain ; Simone de Beauvoir, une fille adoptée à l'âge adulte ; Anaïs Nin, pas d'enfant ; Virginia Woolf, pas d'enfant ; Hannah Arendt, pas d'enfant ; Selma Lagerlöf, pas d'enfant ; Karen Blixen, pas d'enfant … OK, la comtesse de Ségur, huit enfants, mais elle publia après les avoir élevés. Aurais-je écrit mieux si j'avais été une femme libre, sans enfant à surveiller au jardin, sans caddie à remplir à Carrefour ? J'aurais sans doute écrit davantage. Et sûrement autre chose. J'écrivais dans le brouhaha de la vie, mon cahier sur les genoux, des gamins prenant leur goûter ou faisant leurs devoirs à côté de moi, avec Goldorak en fond sonore. Je n'ai eu la chambre à soi qu'à 42 ans, et contrairement à la recommandation de Virginia, elle ne fermait pas à clé. Quand j'écrivais, j'avais un ange dans mon dos. + Lire la suite |
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il y a 1 semaine
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1 réponses
A partir de quel âge pouvons nous lire ce livre en l'appréciant ?
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Pourquoi Simple a-t-il cassé la montre ?