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Critique de le_Bison


Chaussé de mes running Adidas pour qui je ne ferais pas de publicité tant elles me font mal aux sabots, produit purement marketing de haute technologie, je peux commencer la lecture de ce livre de Murakami, Haruki. Un autoportrait de l'écrivain vu à travers sa passion pour la course à pied. D'ailleurs en préambule, l'auteur se demande bien à qui peut s'adresser un tel objet « littéraire ». Au fan de l'auteur, certes ? Au passionné amateur de la course à pied, sûrement ? Au buveur de bière, certainement ? Tiens, je vais m'en décapsuler une. L'envie subite après l'effort. Je ne sais pas vous mais j'ai toujours cette fatale envie de boire une bière après une course – ou après l'amour, alors que mon corps est encore bouillant de tant d'efforts.

« J'ai beau boire une grande quantité d'eau, tout de suite après, j'ai terriblement soif. Ah ! comme j'aimerais une bière bien fraîche. »

Je débute ainsi cette lecture, un brin curieux, un brin envieux. Mais, au fil de ces lignes, j'en perçois tout son côté frustrant. Lui, l'amateur qui parcourt dix kilomètres quotidiennement, aussi bien les jours d'intempéries que ceux caniculaires. Dix ou vingt bornes, le pied. Si moi aussi, j'avais ce « luxe » de pouvoir le faire chaque jour. Se prendre des trombes d'eau en courant dans le sable mouillé d'Hawaï me ferait plus rêver que trembler. Torse nu, cuisses bandées, les perles d'une sueur salée dégoulinent le long de mes abdominaux… Arrête de fantasmer, belle inconnue… j'ai une âme derrière le corps esthète qui se cache sous sa fourrure de poil. Mais, heu, si je t'invite à prendre une bière bien fraiche dans ma chambre, tu me suis, mystérieuse groupie ? Et on parlera de l'imagination masculine dans ces moments-là…

« Je m'assois dans un café du village et avale goulûment une bière froide, une Amstel. Elle est agréable, mais pas aussi délicieuse que la bière de mon imagination, quand je courais. Rien dans le monde réel n'est aussi beau que les illusions d'un homme sur le point de perdre conscience. »

Haruki se confie à sa manière, à travers ses entraînements, ses objectifs, son hygiène de vie. Abandonné son club de jazz, stoppée la cigarette, il s'astreint à une nouvelle discipline, celle de chausser ses baskets tous les matins avant de s'installer devant son ordinateur pour écrire, celle de hausser ses objectifs de course – quitte à en sortir déçu voir démotivé, celle de s'accorder une bière fraîche après une course.

Mais comme l'essence même de la culture japonaise est fondée sur le bouddhisme, chaque respiration de l'auteur semble en respirer. A chaque inspiration, à chaque souffle, presque à chaque ligne. Tu ne vois pas la corrélation entre le bouddhisme et la bière fraiche ? Pourtant, je te l'assure au bout de la cinquième, j'en suis convaincu. En fait, là où je veux en venir, c'est que la course à pied peut s'assimiler, pour l'auteur, à une séance de zazen. L'esprit libéré par cette foulée court au même rythme que ses baskets. Il ne s'arrête pas, il trace sa route au rythme de la respiration et des pensées qui défilent. Est-ce pour cette raison que la course me fait également du bien. Assurément, j'en perçois aussi cette conduite. Je ne dis pas que chaque course pour moi aurait son équivalence dans un dojo zen, mais je remarque –ou du moins ne devrais-je pas y faire attention – que par moment les pensées défilent aussi vite que les nuages dans le ciel, que les gouttes de sueurs sur mes temps, et qu'elles ne s'accrochent ni à mon esprit ni à mes running. Mais, bon, j'ai encore des progrès à faire, aussi bien pour devenir bonze que pour dépasser un certain cap à mes temps de parcours – que comme chacun, je trouve trop lent par rapport aux autres, par rapport aux entrainements courus, par rapport aux bières bues.

Un livre pour qui ? Un quadragénaire qui court entre trente et quarante bornes par semaine – en fonction de ce que lui permet sa vie professionnelle et familiale. Un lecteur qui apprécie se perdre dans l'imagination de l'auteur japonais. Un homme qui aime bien boire une bière de temps en temps – ou plus souvent. Oui, un livre qui donne envie de boire une bière est ASSUREMENT un excellent livre ! Et là, le corps nu luisant encore de sueur, je me penche vers ce verre de bière pour y tremper mes lèvres. Putain, que c'est bon, que ça fait du bien !

« J'ai envie de boire une bière glacée, tellement glacée qu'elle me brulerait. »
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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