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sur 1041 notes
Selon Somerset Maugham « il y a de la philosophie même quand on se rase », nous dit Murakami. Sans prétendre jusqu'à « la philosophie » , il a décidé de nous rapporter ici “quelque chose comme des retours d'expérience “ de sa vie "d'écrivain-coureur",
Courir régulièrement pendant plus de vingt ans l'a rendu plus fort à la fois sur le plan physique et le plan intellectuel,
Battre quelqu'un ne l'a jamais intéressé, ce qui le motive est d'atteindre les buts qu'il s'est fixé ( généralement quand on n'aime pas la compétition c'est qu'on n'aime pas perdre 😁)
Ecrire un livre et courir un marathon sont pour lui deux activités qui se ressemblent,
("Une grande partie de mes techniques de romancier vient de ce que j'ai appris en courant chaque matin.")

Je le rejoins entièrement, faire régulièrement une activité physique , si possible chaque jour, renforce la force physique et mentale. "Courir chaque jour est un mode de vie pour moi “, dit-il, ayant moi-même couru mais plus modérément pendant des années, je me suis retrouvée dans la majorité de ses ressentis et sensations. Et comme il ajoute, courir ou marcher ne coûte rien à part des chaussures adéquates et on peut le pratiquer en toute saison, n'importe où, à n'importe quel moment. Indirectement lié au sujet il nous rapporte aussi de nombreuses épisodes intéressantes de sa vie, notamment celle de ses débuts d'écrivain, comment d'un jour à l'autre il a décidé d'écrire un roman, alors qu'il tenait un petit club de jazz et n'avait jamais songé à écrire, ou son expérience des 100km courus en une seule journée 😳 au Hokkaido ( que je trouve une folie, pour le coeur et les jambes, sans parler des genoux).

Bref Murakami est un homme intéressant, même si je le trouve un tout petit brin imbu de sa personne, même sensation retrouvée dans son livre où il s'entretient avec le chef d'orchestre Seiji Ozawa , « De la musique ». Ici aussi, bien qu'il prend des airs de fausse modestie, ses affirmations sur le talent littéraire et les méthodes et la rigueur qui «  doivent » l'accompagner pour achever « un roman de valeur » sont un brin prétentieux. Mais dans l'ensemble c'est un livre que j'ai lu avec plaisir et j'aime bien ses propos un peu équivoques où on n'est pas sûr s'il est sérieux ou ironique quand il affirme que l'écriture n'est pas une activité bonne pour la santé 😁, dont j'ai d'ailleurs mis en citation l'explication qu'il en donne, ou son épisode de nu comme un vers devant le miroir 😁, “On a beau se poster nu devant un miroir aussi longtemps qu'on le souhaite, ce qui est à l'intérieur ne s'y reflète pas”.
Il l'a écrit en 2007, je me demande s'il court encore à 71 ans.....
Bref si non déjà lu le conseille, en prime vous aurez droit à un voyage aux États-Unis et au Japon. Par ces temps c'est mieux que rien, de plus Trump est parti 😁.

“Se consumer aux mieux à l'intérieur de ses limites individuelles, voilà le principe fondamental de la course, et c'est aussi une métaphore de la vie- et, pour moi une métaphore de l'écriture.”
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Chaussé de mes running Adidas pour qui je ne ferais pas de publicité tant elles me font mal aux sabots, produit purement marketing de haute technologie, je peux commencer la lecture de ce livre de Murakami, Haruki. Un autoportrait de l'écrivain vu à travers sa passion pour la course à pied. D'ailleurs en préambule, l'auteur se demande bien à qui peut s'adresser un tel objet « littéraire ». Au fan de l'auteur, certes ? Au passionné amateur de la course à pied, sûrement ? Au buveur de bière, certainement ? Tiens, je vais m'en décapsuler une. L'envie subite après l'effort. Je ne sais pas vous mais j'ai toujours cette fatale envie de boire une bière après une course – ou après l'amour, alors que mon corps est encore bouillant de tant d'efforts.

« J'ai beau boire une grande quantité d'eau, tout de suite après, j'ai terriblement soif. Ah ! comme j'aimerais une bière bien fraîche. »

Je débute ainsi cette lecture, un brin curieux, un brin envieux. Mais, au fil de ces lignes, j'en perçois tout son côté frustrant. Lui, l'amateur qui parcourt dix kilomètres quotidiennement, aussi bien les jours d'intempéries que ceux caniculaires. Dix ou vingt bornes, le pied. Si moi aussi, j'avais ce « luxe » de pouvoir le faire chaque jour. Se prendre des trombes d'eau en courant dans le sable mouillé d'Hawaï me ferait plus rêver que trembler. Torse nu, cuisses bandées, les perles d'une sueur salée dégoulinent le long de mes abdominaux… Arrête de fantasmer, belle inconnue… j'ai une âme derrière le corps esthète qui se cache sous sa fourrure de poil. Mais, heu, si je t'invite à prendre une bière bien fraiche dans ma chambre, tu me suis, mystérieuse groupie ? Et on parlera de l'imagination masculine dans ces moments-là…

« Je m'assois dans un café du village et avale goulûment une bière froide, une Amstel. Elle est agréable, mais pas aussi délicieuse que la bière de mon imagination, quand je courais. Rien dans le monde réel n'est aussi beau que les illusions d'un homme sur le point de perdre conscience. »

Haruki se confie à sa manière, à travers ses entraînements, ses objectifs, son hygiène de vie. Abandonné son club de jazz, stoppée la cigarette, il s'astreint à une nouvelle discipline, celle de chausser ses baskets tous les matins avant de s'installer devant son ordinateur pour écrire, celle de hausser ses objectifs de course – quitte à en sortir déçu voir démotivé, celle de s'accorder une bière fraîche après une course.

Mais comme l'essence même de la culture japonaise est fondée sur le bouddhisme, chaque respiration de l'auteur semble en respirer. A chaque inspiration, à chaque souffle, presque à chaque ligne. Tu ne vois pas la corrélation entre le bouddhisme et la bière fraiche ? Pourtant, je te l'assure au bout de la cinquième, j'en suis convaincu. En fait, là où je veux en venir, c'est que la course à pied peut s'assimiler, pour l'auteur, à une séance de zazen. L'esprit libéré par cette foulée court au même rythme que ses baskets. Il ne s'arrête pas, il trace sa route au rythme de la respiration et des pensées qui défilent. Est-ce pour cette raison que la course me fait également du bien. Assurément, j'en perçois aussi cette conduite. Je ne dis pas que chaque course pour moi aurait son équivalence dans un dojo zen, mais je remarque –ou du moins ne devrais-je pas y faire attention – que par moment les pensées défilent aussi vite que les nuages dans le ciel, que les gouttes de sueurs sur mes temps, et qu'elles ne s'accrochent ni à mon esprit ni à mes running. Mais, bon, j'ai encore des progrès à faire, aussi bien pour devenir bonze que pour dépasser un certain cap à mes temps de parcours – que comme chacun, je trouve trop lent par rapport aux autres, par rapport aux entrainements courus, par rapport aux bières bues.

Un livre pour qui ? Un quadragénaire qui court entre trente et quarante bornes par semaine – en fonction de ce que lui permet sa vie professionnelle et familiale. Un lecteur qui apprécie se perdre dans l'imagination de l'auteur japonais. Un homme qui aime bien boire une bière de temps en temps – ou plus souvent. Oui, un livre qui donne envie de boire une bière est ASSUREMENT un excellent livre ! Et là, le corps nu luisant encore de sueur, je me penche vers ce verre de bière pour y tremper mes lèvres. Putain, que c'est bon, que ça fait du bien !

« J'ai envie de boire une bière glacée, tellement glacée qu'elle me brulerait. »
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Bien loin des récits oniriques à la lisière de la réalité, Haruki Murakami se livre ici à un exercice introspectif dans un huis-clos à trois témoins : la course à pied, l'écriture et l'auteur.
Le texte est court, mais est-il nécessaire de s'étendre davantage sur ce qui apporte un éclairage tout à fait intéressant sur la personnalité de cet auteur plébiscité dans le monde entier?

Il y est question, bien sûr de la relation particulière qui s'instaure entre l'auteur et son corps, qu'il négligea jusqu'au jour où le désir d'user des chaussures sur la route, dans un déclic, le conduise à une addiction, comme celle que décrivent la plupart des adeptes de cette pratique sportive

C'est bien sûr une apologie de la course à pied, mais sans prosélytisme, l'auteur reconnait que ce n'est pas une panacée, que cela ne convient pas à tout le monde (il suffit pour s'en convaincre d'observer les joggueurs amateurs du dimanche, pour lesquels il n'est même pas besoin d'être un professionnel pour se rendre compte à quel point ils martyrisent leurs articulations, futurs candidats à la prothèse du genou). A contrario , c'est un sport, qui, quand il est adapté à la morphologie, peut procurer bien du bonheur.
De cette pratique est née chez l'auteur une discipline de vie, qui a bien sur influé sur son écriture, et c'est tout l'intérêt de ces confessions, le parallèle établi entre écriture et course.

On a l'impression, en parcourant ce livre, de regarder par le trou d'une serrure, et de découvrir un champ limité. Car comment si sa vie s'en tient à ces deux activités solitaires, peut-il écrire des romans foisonnants, qui explore les limites de l'imagination? Car on découvre un Murakami presque asocial, centré sur lui-même, de façon quasi pathologique. Ou alors cette vie monacale est-elle le secret pourvue s'ouvrent les passages qui conduisent à ses fabuleuses productions littéraires ?

Sans succès préalable, il est probable qu'un tel écrit serait passé inaperçu. Il faut déjà avoir assis sa réputation pour qu'un éditeur s'empare d'un texte comme celui-là. Et en même il est toujours très intéressant de découvrir les coulisses de la vie personnelle d'un écrivain. C'est ainsi que les sportifs et les lecteurs passionnés pourront être comblés. Et je ne parle pas des lecteurs marathoniens!…..

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Ma rencontre avec Haruki Murakami se sera donc faite par ce poche fatigué de la collection 10/18... Poche aux pages toujours d'un blanc iimmaculé!
J'ai apprécié le parallèle effectué entre le travail littéraire et l'effort du coureur de fond et, en particulier, de marathon... Dans ces deux domaines dissemblables mais complémentaires, ténacité et régularité sont de rigueur. Il s'agit bien de finir la course, d'une part et de terminer un roman d'autre part.
Murakami, fondeur au long cours, décrit et appréhende fort justement son état de coureur avec ses victoires et ses échecs (même avec le meilleur entraînement possible)... Je le sais, puisque j'ai moi-même couru deux marathons et raté le troisième!
Murakami a aussi couru un 100 kms, porteur de sensations nouvelles.
Il narre aussi son expérience du triathlon, aux difficultés triples.
La bonne hygiène de vie, imposée par la course de fond quotidienne, est donc indispensable à Murakami pour mener à bien ses romans... Dans la voie inverses de ceux que la vie dissolue et chaotique maintiendrait dans la création littéraire... Hum.
Voilà. Il me reste donc à:
- Lire le reste de l'oeuvre de Murakami.
- Chausser à nouveau mes chaussures de course et repartir en piste.
- Écrire et terminer un bon gros roman.
.... Rien que çà!
Au moins, Haruki Murakami me donne-t-il quelques bonnes recettes!

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Patience, ténacité, persévérance : voilà les maîtres-mots de Murakami lorsqu'il s'élance sur les pistes d'un marathon et sur l'autoroute de la vie, aussi, comme il le dit si bien lui-même.

Murakami nous raconte ici sa vie de romancier inséparable de sa vie de coureur de fond, ainsi que de participant à des triathlons.
Depuis qu'il a une trentaine d'années, il court. Il court pour maintenir sa forme physique, sans laquelle il ne peut écrire. Pour lui, c'est essentiel, c'est vital même.
Il court aussi pour se mesurer à lui-même, pour avancer intérieurement. « Se consumer au mieux à l'intérieur de ses limites individuelles, voilà le principe fondamental de la course, et c'est aussi une métaphore de la vie, - et pour moi, une métaphore de l'écriture. »
Courir, c'est aussi souffrir, physiquement : « D'ailleurs, la plupart du temps, dans la vie, on n'apprend quelque chose d'essentiel qu'à la suite d'une souffrance physique ».
C'est aussi souffrir mentalement, car il lui est arrivé d'avoir le blues du coureur...

Bref, il ne peut se penser sans courir.
En cela, je lui reconnais une volonté incroyable, extraordinaire, et je l'admire !

Ce livre plaira à tous ceux qui courent, même si ce sont de plus petites distances (un marathon, c'est 42 km)...en l'occurrence : moi, très humblement, qui cours 7 à 10 km....Mais je comprends tout ce que Murakami dévoile sur la course, car je ressens aussi ces sensations, j'ai aussi ces pensées qui défilent.
Ce livre plaira aussi à ceux qui font du triathlon, car la dernière partie de l'ouvrage lui est consacrée.
Ce livre plaira à ceux qui veulent, qui aiment, qui osent écrire. le travail du romancier y est très bien décrit.
Finalement, ce livre plaira à tous ceux qui aiment la vie et ses difficultés, la vie et ses rencontres, la vie et ses défis.

Lecture bien agréable, ni trop technique, ni trop simpliste, ouvrant à une réflexion plus vaste. Vous avez un bon score, Mr Murakami !
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Autoportrait de l'auteur en coureur de fond a été écrit entre l'été 2005 et l'automne 2006. Haruki Murakami a la cinquantaine bien entamée. C' est un écrivain connu et reconnu mais plutôt secret. Pour la première fois il se confie, avec pudeur et honnêteté. Ce livre agréable à lire est celui d'un écrivain qui pratique la course à pied très sérieusement et en même temps qui se livre à une auto-analyse.
Murakami tenait un club de jazz qui marchait bien, travaillait beaucoup, vivait la nuit, dormait peu, fumait soixante cigarettes par jour. Il a commencé à écrire en 1973 à 33 ans. Il a aussitôt été lauréat d'un prix. Il a continué à mener ses deux activités en même temps jusqu'en 1982 où il décide de devenir écrivain. Il vend son club, s'installe à la campagne, s'arrête de fumer et s'attèle alors à l'écriture de son premier roman, La course au mouton sauvage.
Murakami a donc choisi de vivre de sa plume et de durer. Il pense que l'écriture comme toute activité artistique est une activité dangereuse, « toxique » non seulement pour le corps qui s'ankylose mais aussi parce qu'elle plonge l'écrivain dans les tréfonds de lui-même, sans doute un peu comme une drogue où l'homme risque de se perdre, de traverser des phases dépressives et de se couper du monde. C'est pourquoi Murakami se met à la course de fond, pour se prémunir de ses coups de barre terribles et se renforcer le corps autant que l'esprit. Sérieusement, méthodiquement, laborieusement. La course lui permet de cultiver sa patience et sa persévérance. de se remettre en question quand il n'est pas à la hauteur de ses objectifs personnels. de se prémunir de la vaine gloire car le déclin est inéluctable. Et tant pis si les gens disent de lui « Ce n'est pas un artiste », il continue à courir.
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Au pays du soleil levant, on court. Murakami est l'illustration même de cette citation latine de Juvenal “mens sana in corpore sano”, un esprit sain dans un corps sain.
Murakami choisit de nous ouvrir son journal pour nous parler de sa vie de sportif mais aussi de la comparer à son métier d'écrivain.
Je n'ai pas ressenti beaucoup d'empathie pour le personnage – il est égoïste et peu chaleureux- ni de d'admiration pour l'écrivain – un style vraiment commun.
Pourtant la philosophie qui se dégage de cet ouvrage m'a paru juste : talent, concentration et persévérance sont les ingrédients de sa réussite de sportif mais aussi d'écrivain.
Le récit de ses courses est parfois redondant mais son premier 100 km est impressionnant, tout comme son premier triathlon. Il décrit là très bien la souffrance des fins de course.
Je ne suis pas toujours d'accord avec lui, je ne pense pas qu'il faille courir tous les jours pour être performant et compenser systématiquement le jour que l'on a manqué par une séance plus dure. A mon avis, à entraînement égal, les trois quart des coureurs de son niveau (3H45 au marathon) se blesseraient.
Ses conseils ne devraient concerner que lui car il force de trop. Mais il ne cache pas ses défaillances et finalement son abnégation et sa constance dans l'effort (25 ans de courses à pied) m'ont inspiré le respect.
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La toute première fois où Murakami s'est dit qu'il serait capable d'écrire un roman, ce fut au moment exact où un joueur de baseball, premier batteur des Yakult Swallows, équipe de baseball tokyoïte dont il était un fidèle supporteur à l'époque, réussit une excellente frappe: "Tiens, et si j'écrivais un roman?", s'était-il interrogé, allongé sur une pente gazonnée entourant le terrain de jeu, par un dimanche après-midi ensoleillé, une bière à la main...Même pas dans l'ambiance feutrée du club de jazz qu'il avait tenu durant quelques années avant de se consacrer entièrement à la littérature, me suis-écrié à mon tour !! Même pas devant une bouteille de Johnny Walker dont le bonhomme marcheur de l'étiquette aurait subitement jailli pour le lui suggérer...?
Au travers de ce récit autobiographique de Murakami, j'ai découvert, non sans un certain sentiment de déception au départ, un homme et une personnalité très éloignés, voire situés à quelques encablures-lumière, pourrais-je dire, de la représentation que je m'étais faite de cet auteur fascinant, inclassable (on le range d'habitude dans le rayon «réalisme magique», mais bon, à force de rajouter des planches dans ces étagères-là, on finit par ne plus savoir de quoi on parle exactement...). Son oeuvre (dont «Kafka sur le rivage » et «1Q84» représentent pour moi le summum absolu), à l'empreinte originale et reconnaissable entre toutes, pourrait à elle seule constituer un sous-genre particulier dans la littérature japonaise et mondiale. J'exagère peut-être, mais c'est pour vous dire à quel point je l'apprécie : Haruki Murakami fait partie du club très restreint de mes auteurs contemporains fétiches. Saltimbanque parvenu au sommet de son art, fil-de-fériste habile sur la corde qu'il tend et étend avec un naturel inimitable, entre réalisme et fantaisie, entre onirisme et existentialisme, entre métaphysique traditionnelle bouddhique et pop-culture, Haruki est dans la littérature actuelle le bateleur par excellence des petits interstices de l'espace-temps, de la synchronie cosmique et du flottement des êtres atypiques. de ce fait, je m'étais probablement forgé l'image d'un personnage, comment dire, plutôt aérien, décalé et excentrique, sorte de romantique «postmoderne», à l'esprit rebelle, contemplatif et mélancolique. Je n'avais par ailleurs jamais rien lu auparavant concernant directement ni sa vie, ni son parcours d'auteur ou sa personnalité. Sans doute, pour une raison quelconque - me suis-je dit après-coup, j'avais préféré garder une certaine aura de mystère à son propos...
Quelle désillusion donc au départ, en découvrant ici un bonhomme certes intéressant et sympathique, mais en même temps extrêmement autodiscipliné, très obstiné, voire laborieux («chaque fois que je veux faire quelque chose mais que je n'arrive pas, je ne connais pas de répit avant de parvenir à mes fins»). Et qui, d'entrée de jeu, déclare sans ambages être quelqu'un de physique plutôt qu'intellectuel. Voyons, Murakami, une petite fourmi besogneuse qui dit "puiser dans l'effort du fardeau concret la compréhension intellectuelle"!! Non, je rêve!!

« Il y a de la philosophie même quand on se rase", avait coutume de dire Somerset Maughan.

Pour Murakami, s'agirait-il de faire de la philosophie à partir de la course à pied? Il semble pourtant lui-même hésiter quant à la nature précise de ce qu'il est en train d'écrire. Ce n'est pas tout à fait un essai, nous confie-t-il ; aussi, préfère-t-il le considérer comme «une sorte de «mémoire» {les guillemets sont de lui]», même si en fin de compte, «il ne s'agit pas d'une réflexion grandiose sur mon histoire personnelle». Que cherche-t-il au juste alors ? le titre original du livre veut littéralement dire en japonais « Ce dont je parle quand je parle de courir » (ce titre a été lui-même inspiré de celui d'un recueil de nouvelles de Raymond Carver : « What we talk about when we talk about love »). Voudrait-il parler de lui, Murakami? du romancier? du rapport entre courir et écrire?
Quand il rédige AUTOPORTRAIT DE L'AUTEUR EN COUREUR DE FOND, Murakami court déjà depuis vingt-trois ans, et pratiquement chaque jour. Il court, oui, il court l'auteur, motivé comme la plupart d'entre nous par «un but personnel, non pas pour chercher une forme de compétition avec d'autres» (même si comme lui, on ne résistera peut-être pas à la fierté fugace de nos meilleurs classements, ou parfois simplement au fait de dépasser un bon nombre d'autres coureurs durant une course ou un simple entraînement...). Bref, Murakami sait de quoi il parle, il en connaît suffisamment les joies et les affres, les fondamentaux et les contradictions qui animent les coureurs: il le fait bien, avec passion et, pour le coup ,avec une grande aisance et liberté de ton.
Pour ce qui est néanmoins des rapports entre la course et l'écriture, et en dépit du fait que l'auteur affirme avoir appris la plupart des «techniques» dont il sert comme romancier en courant tous les matins, les vaches sont, hélas, de mon point de vue nettement plus maigres... J'avoue ne pas en avoir tiré beaucoup de substance à ce niveau. On apprend par exemple qu'écrire un roman, c'est comme courir un marathon, il faut se contraindre à des efforts quotidiens pour «réussir à franchir un niveau supérieur» et, comme durant les courses de fond, quand on écrit, « le seul adversaire que l'on doit vaincre, c'est soi, le soi qui traîne tout son passé", ou qu'il faut acquérir une discipline et une régularité qui se rapprochent de celles d'un coureur en entraînement pour écrire un roman, savoir par exemple accélérer ou diminuer son allure, car dans le deux cas, pour poursuivre l'activité le plus longtemps possible «il faut conserver son rythme», etc..etc.. Ou encore, ce qui est sans doute beaucoup plus surprenant, cette affirmation que l'écriture n'étant pas «une activité bonne pour la santé» et comportant «des éléments malsains et antisociaux», il faut pouvoir combattre les mauvaises toxines de l'acte créatif, secrétées «en grande quantité chez les auteurs professionnels», par la mise en place «d'un système auto-immune capable de résister aux toxines dangereuses -parfois mortelles- qui résident à l'intérieur d'eux-mêmes». Pour Murakami, il est donc fondamental de pouvoir «garder, voire améliorer, une bonne condition physique afin d'être apte à écrire des romans». Mise à part toute l'empathie qu'on souhaite éprouver pour un Murakami qu'on aime tant (n'est-ce pas ?), et qui se serait lancé pour la première fois dans cet exercice périlleux de l'autobiographie, avec une gêne évidente à se livrer et à parler de lui, il faut bien appeler un chat, un chat : ce sont la plupart du temps de belles platitudes qu'il nous sert à ce dernier propos.
«J'ai voulu déterminer quelle sorte de vie j'avais menée depuis un bon quart de siècle, à la fois comme romancier et comme homme tout ce qu'il y a de plus ordinaire». Ah, voilà qui est dit en toutes lettres : un homme tout ce qu'il y a de plus ordinaire ! Serait-ce la clé de ce livre au propos apparemment hybride, un peu bridé dans son expression ?
J'ai eu souvent, pendant ma lecture, la sensation que nonobstant le fait que Murakami cherchait bien à livrer quelque chose (et peut-être bien aussi à se délivrer lui-même de quelque chose – «une fois le livre achevé, j'ai eu le sentiment fugace qu'une charge qui pesait sur mes épaules depuis bien longtemps avait disparu» !) l'auteur semblait manifester en même temps un souci perceptible à ne pas trop se raconter, ou en tout cas pas au-delà du nécessaire, une certaine réserve sur son histoire passée, livrée au compte-gouttes, une pudeur par moments explicitement assumée («Je ne voulais pas parler exagérément de moi-même») à détailler son vécu subjectif face aux situations plus difficiles de sa vie (les mauvaises critiques de ses livres à ses débuts, par exemple), ainsi qu'à évoquer des blessures moins superficielles et des parcelles de son moi plus intime. Cette obstination à vouloir se montrer comme un type ordinaire représenterait alors une porte d'accès suffisamment sécurisante pour se raconter. «Je pense que cet hiver je courrai un autre marathon (...) Ainsi les saisons vont et viennent, et les années passent. J'aurai un an de plus et j'aurai sans doute terminé un autre roman. Je fais face à chacune de mes tâches».
S'il est vrai que AUTOPORTRAIT DE L'AUTEUR EN COUREUR DE FOND peine à aller au-delà du factuel et se restreint la plupart du temps à des généralités, ce besoin de paraître ordinaire et de ne pas se montrer trop fier de sa vie d'auteur renommé et de ses performances (littéraires, en l'occurrence) prendra par moments des proportions démesurées Comme si ce subterfuge permettait d'échapper alors à tout contrôle, on voit émerger une autocritique intempestive, péremptoire, aussi sèvere que laconique et avare en éléments qui justifieraient autant d'acrimonie envers soi-même : il n'aime pas son physique, il ne se voit pas comme quelqu'un de sympathique ; face aux difficultés, c'est quelqu'un qui s'isole, qui garde le silence ou «tente d'y déceler quelque chose d'amusant», ou bien il s'insurge impuissant contre sa nature «individualiste, obstinée, récalcitrante, souvent centrée sur elle-même», etc.. Ecoutez par exemple la dureté de ces mots : «Encore une fois je suis frappé de constater à quel point ce réceptacle appelé "moi" est pitoyable et vain. Je suis quelque chose de miteux, de mal rapiécé et de moche».
En tant que récit autobiographique, AUTOPORTRAIT DE L'AUTEUR EN COUREUR DE FOND m'a laissé en définitif une impression d'inabouti et d'une certaine maladresse de fond. Je n'ai pas eu le sentiment de partager assez l'intimité de son auteur, ou alors trop indirectement, ou encore trop lapidairement. L'âge venant, Murakami se serait-il vu surgir la nécessité de se raconter, de s'atteler malgré lui à la dure tâche d'inaugurer le marathon de ses propres fictions, de son propre personnage («peut-être était-ce précisément la bonne période de ma vie pour rédiger cet ouvrage») ? Drôle de sensation, pour moi en tout cas, de ne pas retrouver cette fois-ci, en tant que lecteur, toute la maîtrise à laquelle m'avait habitué cet extraordinaire funambule!
Ce qui n'empêchera tout de même pas que les amateurs de course à pied (dont je fais partie) y trouveront par ailleurs leur compte. Ce livre leur est dédié, et ils s'y reconnaîtront avec bonheur.
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Écrire des romans, surtout quand on ne possède pas un talent exceptionnel, demande de l’énergie, de la concentration et de la persévérance. Haruki Murakami se lance dans les marathons, comme le grimpeur se lance à l’assaut d’une falaise, comme l’écrivain jette ses pensées sur le papier. Il faut aller jusqu’au bout, finir la course, accéder au sommet, arriver à la conclusion du roman.

Écrire est une épreuve physique. Il faut puiser au fond de soi l’inspiration, faire le tri dans le chaos des idées, saisir les pensées fuyantes, les forcer à revêtir de beaux habits, les ranger pour qu’ils forment une histoire cohérente.
Le marathon, tout comme l’écriture, tout comme la vie, est semé d’obstacles, de déceptions, de victoires, de surprises. Au fil des courses, le coureur évolue, il fait son apprentissage, il mûrit. Le marathon, tout comme la vie, tout comme le roman, a une fin. Le principal n’est pas d’être brillant tout au long de la course, mais plutôt de donner le meilleur de soi-même, d’apprendre à se connaître, de découvrir ses limites, afin de ne pas se tromper de chemin.

À travers ce roman on découvre un auteur solitaire, parfois taciturne, centré sur lui-même. Finalement, c’est l’idée que l’on se fait d’un romancier, un spectateur silencieux, attentif, qui transcrit les images en pensées puis en mots, pour ensuite nous offrir ses créations.

La course à pied est peut-être pour Haruki Murakami, une façon de se sentir vivant, de faire bouger son corps, de le faire parler, rendre son corps et son esprit plus légers, plus sains.

« Si l'on doit vivre longtemps, plutôt que de traverser toutes ces années dans le brouillard, mieux vaut les passer avec des objectifs bien clairs en tête, en étant tout à fait vivant. Dans cette perspective, je crois que courir constitue une aide véritable. Se consumer au mieux à l’intérieur de ses limites individuelles voilà le principe fondamental de la course, et c’est aussi une métaphore de la vie – et, pour moi, une métaphore de l’écriture. »
Un petit bémol : j'aurais préféré plus de réflexions sur le travail d'écrivain, sur la vie en général, et moins de détails, un peu barbants, sur la préparation à la course, la marque de ses chaussures...


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Petit livre d'un grand auteur ou comment écrit Murakami quand il ne fait pas du Murakami, c'est à dire de la fiction onirique. Et le premier constat c'est qu'il écrit bien, le deuxième constat est qu'il a réussi à m'intéresser un minimum sur un sujet qui ne me passionne pas et que je ne connais pratiquement pas. Cela dit j'aime bien les sports d'endurance, mais plutôt le vélo (contrairement à lui) et surtout la marche à pied. J'ai apprécié de découvrir des facettes insoupçonnées de cet auteur, les liens qu'il fait entre la course à pied et son travail d'écrivain, une certaine forme de méditation (il ne s'étend guère sur cet aspect, mais c'est loin d'être absent). Il se présente comme assez froid et peu sociable, mais, en même temps, il se livre au lecteur d'une manière chaleureuse et sympathique. Ce n'est pas un essai, ce n'est pas non plus un livre de développement personnel, mais ce n'est pas loin ni de l'un ni de l'autre. Je pense que ce livre gagnerait à être lu juste avant ou juste après «Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes» de Lionel Shriver !
J'ai failli oublier alors que c'est une des premières choses que j'ai remarquées : ce livre est un bon moyen de se constituer une bonne play-list cardio, surtout si on aime les années70-80 !
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