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Critique de MissLeo


L'histoire :

Un jeune cadre publicitaire de Tokyo en instance de divorce... Une jeune femme extralucide, aux oreilles bouleversantes de perfection et de sensualité... Une mystérieuse organisation d'extrême droite... Un vieil homme à l'article de la mort depuis plus de cinquante ans... La lettre d'un ami disparu... Un Docteur ès Moutons confiné dans une petite chambre d'hôtel de Sapporo... La course au mouton sauvage est lancée !


L'opinion de Miss Léo :

Vous noterez l'aspect sibyllin et énigmatique du résumé ci-dessus. Et pour cause : Haruki Murakami nous a concocté pour son troisième roman une histoire indescriptible et abracadabrantesque, dont il serait vain de vouloir raconter les péripéties. Mieux vaut se laisser porter par la superbe plume de l'auteur japonais, qui nous captive encore une fois par son style si particulier, et nous entraîne vers des horizons totalement inattendus. J'aime énormément cette écriture originale et envoûtante, qui ne ressemble à aucune autre, même si je conçois que certains lecteurs puissent être déroutés (voire rebutés) par l'étrange spécificité des univers créés par ce formidable conteur qu'est Murakami. Je suis pour ma part totalement séduite.

Moins poétique que Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil (qui avait été pour moi un véritable coup de coeur), La course au mouton sauvage n'en demeure pas moins brillant par bien des aspects. Tour à tour chronique du quotidien ou fable métaphysique, mêlant une once de fantastique et quelques situations délicieusement burlesques à un petit fond d'analyse socio-économique, le roman provoque une légère sensation de malaise, que vient renforcer l'errance du narrateur, confronté avec sa petite amie à une aventure qui le dépasse. La quête du mouton sauvage s'apparente à une plongée dans l'inconnu, et les deux personnages principaux, privés de tout repère et contraints de renoncer à leurs certitudes, se retrouvent bien souvent dans une position d'attente interminable, ne sachant pas où débusquer l'objet de leurs recherches. Ce rythme lancinant aurait pu se traduire par quelques longueurs. Il n'en est rien, et le roman demeure fascinant d'un bout à l'autre, tandis que la banalité du quotidien se pare progressivement d'atours fantastico-oniriques. Certaines images sont saisissantes, et plutôt bien rendues par la traduction, par ailleurs excellente.

"Elle était irréellement belle. D'une beauté que je n'avais jamais vue ni imaginée jusqu'alors.Tout s'y dilatait comme l'univers, et tout s'y condensait comme dans un profond glacier. Tout y était exagéré jusqu'à l'arrogance, tout n'y était en même temps que dépouillement. Cela transcendait tous les concepts que pouvait formuler mon entendement." (page 50)

Le récit se décompose en courts chapitres aux titres énigmatiques (Le pénis de la baleine, de l'univers du lombric...), qui donnent évidemment envie d'en savoir plus. Les personnages n'ont pas de nom, mais sont pourtant très bien caractérisés, et se distinguent tous par un trait original (j'ai beaucoup aimé le personnage de la petite amie, qui utilise ses oreilles pour séduire les hommes). L'animalité est ici un thème récurrent, et c'est tout un bestiaire que Murakami nous propose de découvrir (le fameux mouton sauvage, bien entendu, mais aussi un vieux chat malade, un rat, des poissons ou encore une reproduction de pénis de baleine). On notera également l'importance du ciel, décrit à de multiples reprises et à l'aide de nombreuses métaphores ("le ciel était d'une pureté à vous donner mal au coeur", "c'était un ciel sans le moindre nuage, comme un oeil gigantesque dont on aurait arraché les paupières").

La lecture de cet ouvrage m'a parfois celle du Pingouin d'Andreï Kourkov. On ne peut pas vraiment les comparer, mais tous deux possèdent ce petit côté absurde et décalé que j'avais tant apprécié dans le roman de l'auteur ukrainien. Dans les deux cas, le héros (banal) est approché par de mystérieux individus aux motivations plutôt louches, et se retrouve embarqué bien malgré lui dans une histoire aux multiples rebondissements.

Bref, je suis plus que jamais convaincue du talent de Murakami, et c'est avec grand plaisir que je continuerai à découvrir son oeuvre foisonnante, qui me réserve à n'en pas douter encore bien des surprises.


Un superbe OLNI (Objet Littéraire Non Identifié), dont j'ai adoré l'intrigue tortueuse et la plume si particulière. Murakami rules !
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