Une nouvelle bouffée d'autosatisfaction me donna des picotements de plaisir dans la nuque. Si je ne me méfiais pas, je risquais de devenir accro aux compliments.
Je serrai les mâchoires pour dissimuler mon émotion et tapotai doucement le capot de Titine.
- T'en fais pas, chérie, chuchotais-je. Je trouverai le moyen de te sortir d'ici.
Je pensais avoir parlé assez doucement pour que Morrison ne m'entende pas, mais le regard qu'il me lança indiquait clairement le contraire.
- D'où vous vient cette obsession pour les voitures, Walker ?
- Elles sont moins compliquées que les gens.
- J'admire ta prudence, Joanne, dit (le Vieil Homme). C'est une preuve de sagesse.
- Ce trait de caractère si rarement présent chez les jeunes ? demandai-je.
Le Vieil Homme me répondit par un grand sourire.
Je la fixai du regard, cherchant mes mots.
- As-tu déjà remarqué que dans les films, celui qui se retrouve avec les pouvoirs surhumains, c'est toujours le seul qui n'en voulait pas ? Peut-être que l'univers fonctionne ainsi, par mesure de précaution. Ça expliquerait pourquoi j'ai tous ces pouvoirs, plutôt que quelqu'un qui voue son existence à les chercher...
Gary me fit un sourire affable.
- Encore une fois, jeunesse et beauté s'inclinent devant sagesse et perfidie. Pas vrai ?
- Si, espèce de vieille bique !
Puis je partis retrouver Titine.
C'était elle qui était à l'origine de mes problèmes avec Morrison. Peu de voitures sont aussi mignonnes que ma Mustang 1969 ; or, qu'un mâle américain en possession de toutes ses facultés intellectuelles pût la confondre avec une Corvette 1963, voilà qui me dépassait totalement. Et j'avais sans doute insisté un peu trop lourdement à ce sujet.
L'autosatisfaction n'était pas un trait de caractère courant chez les serpents (…).
A cet instant, on me frappa au visage. Une douleur entièrement neuve explosa, balayant l'ancienne. Tenant mon nez à deux mains, je me pliai en deux et hurlai.
Au cas où vous vous poseriez la question, lorsqu'on a le nez cassé, l'agripper à deux mains ne sert strictement à rien.
Des ondes de magie argentées m'apportèrent la certitude que la fillette souffrait d'un coup de chaleur.
Pour moi qui, sous mon uniforme de flic, cachais une âme de mécanicienne, cela signifiait que son moteur avait trop chauffé.
Réparer un moteur en surchauffe n'est pas difficile. Il suffit d'ouvrir le capot, de verser de l'eau froide dans le radiateur, de reculer pour ne pas se faire brûler par la vapeur, puis de recommencer jusqu'à ce que le radiateur soit rempli et le moteur refroidi.
Ces opérations se révélèrent étonnamment faciles à transposer sur l'enfant malade.