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Critique de JBLM


JBLM
18 février 2023
Une pièce qui envoie valser quasiment toutes les règles du genre pour produire un drame assez shakespearien, en plus embrouillé. Pendant un long moment, on se demande un peu où le texte veut en venir, d'autant plus que Lorenzo ne se démarque pas particulièrement des autres personnages. Il faut attendre le milieu de l'oeuvre pour qu'il révèle brusquement ses intentions au détour d'un dialogue disproportionné alors qu'il n'a été qu'un vaurien fourbe jusque-là, et clame le crime qu'il va commettre sur tous les toits après avoir acquis de longue haleine la confiance de sa victime, au risque de le faire rater. le personnage en lui-même est intéressant : il s'est tellement imbibé du vice pour éteindre la méfiance d'Alexandre que le vice est devenu une sorte de réflexe du quotidien, cohabitant de manière assez schizophrénique avec le jeune idéaliste, patriote et épris de justice qu'il est en réalité, comme si le costume de circonstance était parfois sur le point de supplanter l'identité véritable de Lorenzo en dépit de lui-même.

On comprend que le nombre très important de personnages et d'intrigues secondaires (intrigues amoureuses, conjurations) sert principalement à illustrer l'ambiance politique explosive dans laquelle se déroule l'histoire, qui trouve un écho non seulement chez les nobles mais aussi dans les catégories populaires. Seule la haine du duc fait consensus, duc qu'il s'agit dès lors d'influencer ou de supprimer. Mais les grands élans s'effondrent face à la vanité du duc, ou à l'instant de mettre à exécution les belles entreprises ruminées, symptôme d'une faiblesse de volonté incarnée par les Strozzi. Les Florentins sont incapables de se mettre d'accord sur le régime qu'il faut pour sauver leur ville ; versatiles et défiants les uns envers les autres, ils ne sont que des pions dans l'affrontement de l'empereur, du pape et du roi de France, des rêveurs exaltés qui aspirent à la république parfaite alors qu'ils n'ont pas, en réalité, leur mot à dire, que seules quelques familles puissantes décident, avec d'ailleurs une faible hauteur de vue, qui doit incarner le pouvoir à leur place. "Pour que rien ne change, il faut que tout change", comme dira plus tard un autre Italien. Ces manoeuvres en marge du complot de Lorenzo alourdissent considérablement l'oeuvre pour ne déboucher sur rien, ce qui, loin d'attirer le reproche d'inutilité de ma part, illustre de façon terrible le néant consubstantiel au jeu politique, contraint de s'adapter pour ramener le compromis peu satisfaisant pour tout le monde mais suffisamment pour décourager les exaltés de tenter quoi que ce soit, après qu'il eut été troublé par le geste d'un homme qui agit.

Il y a des scènes assez savoureuses, au premier rang desquelles la rencontre des deux précepteurs et de leurs élèves de familles ennemies (on comprend que l'unité face au tyran, ce n'est pas pour tout de suite). La pièce se lit quand même facilement même si on aimerait que la transition des registres soit moins brusque entre les scènes voire les répliques. Il y a en effet une tendance stylistique bizarre qui consiste à passer du coq à l'âne tout au long de l'oeuvre, parfois compréhensible (le personnage veut noyer le poisson), parfois pas. Certains ressorts sont parfaitement invraisemblables, comme le vol de la cotte de maille du duc, qui disparaît "mystérieusement" quelques secondes après avoir été examinée par Lorenzo devant tout le monde...

Un pièce pas exempte de longueurs ou, au contraire, d'ellipses, mais qui s'inscrit dans une réflexion politique intéressante et une langue très élégante.
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