AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,68

sur 2099 notes
J'ai déjà entendu parler de Lorenzaccio comme du " Shakespeare français ", un héros tragico-romantique à la Othello mâtiné d'Hamlet. Ouais… bah… euh… sans vouloir nécessairement être blessante ni cassante ni quoi que ce soit en ante vis-à-vis de Musset, je trouve qu'il s'en faut de beaucoup pour considérer cette pièce à l'égal des productions du maître anglais.

D'abord j'ai commencé par m'ennuyer pendant un acte et demi et n'ai senti les minces frémissements de quelque chose que vers la fin de l'acte II. Mais je ne peux pas dire que le drame s'est envolé pour autant, mes pieds sont restés bien sagement en contact du sol et mes paupières, quant à elles, ont eu bien du mal à ne pas se fracasser l'une contre l'autre avant la descente du rideau.

Alors c'est vrai, Alfred de Musset nous offre la possibilité de revenir sur un épisode historique authentique de la Renaissance florentine, à savoir l'assassinat d'Alexandre de Médicis en 1537 par son cousin Lorenzo de Médicis, surnommé d'une bonne dizaine de façons durant la pièce, sobriquets parmi lesquels on compte Lorenzaccio, déformation du prénom qui dénote, en italien, une nuance de mépris et de mauvais genre.

L'attention de Musset fut attirée par sa muse, George Sand, sur cet épisode historique avant qu'il ne lui découvre d'étonnantes similitudes avec ce qui venait de se passer en France peu de temps avant, c'est-à-dire la révolution de 1830, fortement instiguée par des républicains mais qui n'aboutit finalement qu'au remplacement d'un Bourbon par un autre Bourbon, exactement comme un Médicis fut remplacé par un autre Médicis, résultat très décevant pour les fervents partisans de la République. Donc, okay pour tout ça, mais hormis cela, les similitudes entre les deux événements sont plus que discutables et il faut un vrai effort de dramaturgie à l'auteur pour les rendre tant soit peu palpables… et encore.

Quant à l'intérêt purement scénique, dramatique, lyrique ou quoi que ce soit en ique, il y a selon moi un hic. Le texte me laisse indifférente, aucun personnage vis-à-vis duquel je puisse développer une quelconque empathie (je ne parle même pas de sympathie et quoique Musset ait mis aussi beaucoup de lui-même dans son personnage de Lorenzo), des dialogues assez artificiels, notamment lorsqu'il s'agit de personnages des classes populaires, une démultiplication de personnages qui n'apporte, d'après moi, rien de bien précis ni de très bon.

Bref, il en ressort une pièce que je trouve loin d'être al dente et qui ne m'a pas procuré de plaisir particulier mais plutôt de l'ennui. J'aime franchement mieux certaines autres de ses pièces qui m'avaient amusset. Ceci dit, si je compte dans ma critique le nombre de paragraphes où j'ai médit : six. Que penser d'un tel avis sur le Médicis ? sans doute pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          914
Lorenzaccio où le défi que lance un français au grand dramaturge Shakespeare.

Parmi les grands drames romantiques du XIXe siècle ; Hernani, Chatterton, personnellement je me penche du côté de Lorenzaccio.

Alfred de Musset a repris avec quelques variantes un événement réel pour le transformer en un mythe. C'est une pièce où Musset a exprimé toute sa déception et sa rage envers la société. Vivre sous-estimé et détesté de tout le monde et en même temps essayer de leur rendre une grande faveur pour les sauver tous. Mais cela s'accomplit sans motif apparent du côté de Lorenzo. Il ne le fait pas pour se mettre en valeur devant eux.

Lorenzaccio me fait penser à trois personnages célèbres (car dans la pièce, il fait un jeu double, et par conséquent, le lecteur les voit tous les deux alors que les personnages n'en voient qu'un seul côté et lui Lorenzo, il garde un côté assez différent dans certaines situations clandestines) :

- le premier personnage est celui qu'on retrouve dans le film "L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford". Lorenzo est comme Robert Ford, il essaie de tuer un "grand" de sa "société". Mais même s'il le fait, il reste un couard. C'est l'opinion des personnages et c'est le côté que leur montre Lorenzo, un débauché pusillanime.

- le deuxième est celui de Jean-Baptiste Grenouille, une âme grandiose et maltraité par la société mais qui accomplit une tâche que nul autre n'a pu entamer. Ils meurent de la même manière à peu près. (c'est là la vrai personnalité de Lorenzo; courageux et studieux).

- La troisième, on la constate en tant que lecteur voyant les deux situations. Il nous fait penser à ces super-héros à double facettes (d'ailleurs Lorenzaccio a une cape!) qui se montre lâche ou corrompu à dessein, mais qui sauve la société.

Lorenzaccio est aussi une pièce où l'art n'est pas oublié (avec le personnage du peintre) ni le comique dans le dernier acte (je crois) avec une scène de deux enfants se chamaillant.

C'est une intrigue comme je les aime.

Commenter  J’apprécie          492
Lorenzo. Renzo pour les intimes. Lorenzino ou encore Renzino, diminutif affectueux. A moins que ce ne soit Renzinaccio. Mais surtout Lorenzaccio à la consonance péjorative.

Ahh Lorenzo ! " Laisse-moi t'appeler Brutus ! Si je suis un rêveur, laisse-moi ce rêve-là. [...] Mon Brutus ! Mon grand Lorenzo ! La liberté est dans le ciel ! Je la sens, je la respire."

Rien qu'à l'évocation de tous ces surnoms, on comprend bien que ce personnage là est très ambivalent.
A la fois, pernicieux et fieffé roué...lâche mais calculateur... mais aussi doux patriote et sublime sauveur de la République de Florence en danger.

Il est un véritable héros auquel on s'attache inévitablement. On sourit à ses farces, on rit à ses piques, on s'extasie de ses monologues romantiques.

Mais, voilà, la pièce est longue , très longue. La mettre en scène s'avère une véritable gageure. La page de présentation nous dit : " Lorenzaccio est un objet rare dans l'histoire du théâtre : une de ces pièces inconnues de leur époque, car proprement injouable au temps de leur écriture, mais que la postérité transforme en chefs-d'oeuvre".

C'est une belle pièce, certes, mais sa multitude de personnages et ses nombreuses longueurs peuvent effectivement la rendre imbuvable.

Pour ma part, il m'a fallu m'y reprendre à deux fois, pour en apprécier le nectar.
Commenter  J’apprécie          471
Il y avait longtemps que je n'avais pas réouvert Lorenzaccio. À quoi bon, pensais-je, puisque j'en ai évidemment retenu l'essentiel? "Tu me demandes pourquoi je tue Alexandre? [...] Songes-tu que ce meurtre, c'est tout ce qui reste de ma vertu?"Mais bon, en remettant le nez dans le bouquin, je n'ai pu m'empêcher de le relire, et, bien sûr, il est encore meilleur que les morceaux choisis qui hantent nos mémoires.
J'aime les mises en abyme. Déjà que les anneaux aux oreilles des vaches qui rient me font toucher du doigt les délices de l'infini, alors, forcément une pièce qui met en scène un homme qui joue, et fait vaciller mes représentations, quoi de plus jouissif?
Les films de Christopher Nolan, eux, me fatiguent: deux heures d'efforts pour comprendre un scénario alambiqué, dont la seule révélation est que le héros ne porte pas sa bague (ça valait la peine). La pièce De Musset, malgré ses intrigues multiples et sa foultitude de personnages est, elle, on ne peut plus simple. Elle n'en invite pas moins au vertige. Lorenzo va tuer Alexandre. parce qu'Alexandre est un tyran. de même qu'un agent double doit parfois tuer un innocent pour ne pas griller sa couverture, Lorenzo devient l'âme damnée de son cousin et l'innocent qu'il assassine, c'est lui-même, le jeune homme autrefois vertueux qui s'ébat désormais avec volupté dans le vice.
Oui, enfin ça, c'est ce que Lorenzo clame à qui veut l'entendre, et donc surtout à lui-même. Tu parles, Alfred! Lorenzo de Médicis pouvait attendre tranquillement qu'on l'appelle au trône mais atteint du même mal qu'Emma Bovary (la vraie vie, médiocre, forcément médiocre doit être refusée; l'idéal étant inaccessible, reste le sacrifice de soi, l'héroïsme facile du suicide), Lorenzo renonce à briguer le pouvoir et pour ne pas avoir à se découvrir dirigeant sans envergure se fait tueur de tyran. Ou plus exactement aspirant-tueur. Parce que ça aurait pu durer longtemps. Lorenzaccio s'entraîne au combat la nuit et fait des mots d'esprit le jour en cherchant quelles femmes présenter à un cousin dont il partage à l'évidence la couche. Pour qu'il se décide à passer à l'action, il faudra que les Strozzi menacent de faire la révolution et que la propre tante de Lorenzo soit poursuivie par le Duc. Alors là, du coup, il lui faut demander à Strozzi de rester tranquille (c'est qu'il serait capable de réussir, l'animal, et adieu la gloire pour Lorenzo) et passer à l'acte. Il tue Alexandre sans honneur (c'était bien la peine de s'entraîner au duel) après l'avoir dépouillé de sa cotte de maille, ce qu'il aurait pu faire bien avant (il avait juste besoin de trouver un peintre pour y parvenir et je ne suis pas persuadée que trouver un peintre dans la Florence du XVI° siècle fût de la dernière difficulté). Il le tue sans la moindre visée politique, en sachant pertinemment qu'un assassinat dont la suite est aussi peu préparée sera vain. "C'est bien plus beau lorsque c'est inutile.", qu'y disait, l'autre. Si on veut. Lorenzaccio agit précisément pour que rien ne change, pour discréditer l'action, pour justifier son propre refus de la politique; il met sa vertu dans son vice pour ne pas être obligé de la mettre à l'épreuve de la réalité: mieux vaut la perversion que la médiocrité.
Quand s'achève la pièce, Alexandre est mort après avoir dessiné autour du doigt de Lorenzo qu'il a mordu une bague sanglante: il a scellé le sort de son meurtrier qui finira précipité dans la lagune avec toutes les illusions des républicains. Pour faire bonne mesure, Musset y noie aussi la littérature. Un marchand tente de prouver qu'Alexandre est mort à 26 ans, le 6 du mois, à 6 heures, de 6 blessures, en 1536, après 6 ans de règne. Rien de plus faux, bien sûr que ces 6 six qui auraient contribué à la mort d'un Médicis. À quoi riment ces fadaises longuement expliquées par un personnage secondaire, sinon qu'à la faillite de la politique Musset ajoute l'inanité de la littérature, qui va chercher l'histoire pour lui donner un sens? Sens ridicule, jeu intellectuel, vue de l'esprit, illusion qui réjouit les âmes simples promptes à faire leur miel d'une histoire bien construite sans s'indigner de sa vacuité.
Lorenzo aimait trop les livres, comme Emma. Et Musset nous offre le poison délicieux de sa pièce, faisant de nous tous des lecteurs impropres à l'action qui croient que l'analyse les fera sortir de leur tour d'ivoire alors qu'elle ne les sauvera pas davantage de l'illusion que le meurtre d'Alexandre n'a garanti la république florentine.
Commenter  J’apprécie          466
Mais comment ce livre a-t-il pu atterrir entre mes mains ?
C'est grâce à Marc , le héros de j'irai tuer pour vous de Henri Loevenbruck.
Marc s'est construit avec ce livre et comme Marc m'a semblé quelqu'un de bien , je me suis lancé.
A Florence au début du XVI ème siècle, la ville sombre dans la décadence et le despotisme .Symbole de ces errements, Lorenzo , ami du Duc Alexandre pour qui il "rabat " des femmes. Mais Lorenzo est bien plus complexe que les apparences ne le laissent paraitre .

Ma connaissance du théâtre ne me permet pas de faire de comparaisons alors je vais juste me fier à mon ressenti de lecteur . Cependant, mais sans assurance, il y aurait un petit côté shakespearien la dessous que je ne serais pas surpris.
La pièce m'a semblé un brin complexe avec beaucoup de personnages et j'avoue m'être parfois senti un peu déboussolé.
Pour autant, on prend plaisir à découvrir les travers de la société florentine. Mais ce sont surtout ces tirades enflammées qui m'interpellent. ça ne rigolait pas à l'époque .Il y a des choses avec lesquelles il ne faut pas plaisanter . Là où l'encre coule aujourd'hui, on peut penser que les épées auraient fait des gerbes sanguinolentes jadis.
Ah l'honneur , la patrie.... Société où les femmes ne sont que chairs et où les vestes se retournent avec fulgurance.
Lecture cependant agréable, permettant de poser un pied dans un domaine littéraire qui m'est étranger.
Merci Marc .
Commenter  J’apprécie          421
Et voilà donc le Hamlet français, ou plutôt le croisement entre Brutus et Hamlet... le drame romantique me manquait (qu'est-ce que c'est bon!!) et celui-ci étant encore plus lié à L Histoire que d'habitude, on a de véritables scènes de village, un nombre encore plus élevé de personnages et de lieux... À tel point que la pièce, de par son rythme, sa variété, son foisonnement, nous fait davantage penser à un roman du XIXème. J'ignorais beaucoup de choses sur Musset avant sa lecture, et j'ai particulièrement apprécié les touches autobiographiques avec le double fantômatique de Lorenzo, son désenchantement si complexe... On voit toute l'inspiration d'Hamlet, sauf qu'il part moins dans tous les sens, son tiraillement est résolu et mis noir sur blanc à l'acte III, scène III, passage crucial, alors que le spectateur nageait face à ce Severus Rogue "glissant comme une anguille" pour les deux camps! le propos de Lorenzo, et celui de la pièce, est un constat amer, encore très actuel. Il résonne plus que jamais à notre époque sans espoir et où l'humain a abandonné toute participation au changement de la civilisation. La pièce est une démonstration très violente de l'inactivité humaine et de l'immuabilité de l'Histoire... On a du mal à digérer l'acidité de Lorenzo, mais on finit par accepter cette triste vérité, bien pessimiste... Il m'a fait penser à Raskolnikov trente ans avant, mais un Raskolnikov après le meurtre... On parle d'une oeuvre sur le mal du siècle (du XIXème) mais elle est encore plus valable au XXIème.

Coup de coeur pour Lorenzo ainsi que pour le pauvre Philippe, son évolution est très bien faite, très psychologique, Musset sait construire ses personnages... La mort de Louise Strozzi est venue comme un couperet, une véritable guillotine narrative à la Cordélia du Roi Lear, et c'est ce que j'ai envie de congratuler le plus dans cette pièce : chaque acte se terminait par un rebondissement incroyable, qui nous laissait dans un suspense de tous les diables!! Paradoxalement, Musset aime bien l'anti-climax pour nous surprendre également, comme avec la mort minimaliste d'Alexandre...

Je mets pas les cinq étoiles parce que malgré les fulgurances du texte, on est loin de la tempête hugolienne... Mais une pièce majeure du drame romantique, ça c'est sûr.
Commenter  J’apprécie          373
Une pièce que je voulais lire depuis longtemps. Très sombre, c'est un drame qui raconte la vie de débauche d'Alexandre de Médicis et son meurtre en 1537 par son compagnon de beuveries et violences multiples, Lorenzaccio.
Un texte passionnant, très bien écrit. Un grand classique. Il faut noter aussi que cette oeuvre très pessimiste a été écrite par un auteur alors très jeune, Alfred de Musset n'avait que 23 ans lorsqu'il a rédigé cette pièce.
Commenter  J’apprécie          340

Cette pièce De Musset est dite “spectacle dans un fauteuil” c'est à dire non jouable tel quel sur la scène du fait de sa longueur, du nombre de personnages et de décors.
Je l'ai lue sans déplaisir mais sans être non plus soulevée.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas l'intrigue, il s'agit de l'assassinat du duc de Florence Alexandre par son favori Lorenzo de Médicis afin de provoquer l'action des républicains. Mais le meurtrier agira en vain comme il s'y attend d'ailleurs car le peuple acceptera de lui voir succéder un autre Médicis, Côme. Il s'y ajoute un désir de vengeance des frères Strozzi dont la soeur a été insultée puis empoisonnée et un essai d'amendement d'Alexandre grâce à l'amour par la marquise de Cibo. le bénéficiaire sera le cardinal Cibo, beau-frère de la marquise qui pourra manoeuvrer le nouveau duc.

L'inspiration est historique mais Musset accommode ce que l'on sait de cet événement par Varchi, dont le récit a été adapté par Georges Sand qui l'a communiqué à Musset. Ainsi il fait de Lorenzaccio un jeune homme vertueux qui ne sombre dans la débauche aux côtés d'Alexandre que pour gagner sa confiance et le tue par patriotisme, ce qui n'apparaît pas chez le chroniqueur italien.
Cette pièce n'est pas sans rapport avec l'actualité de l'époque.
Certains actes m'ont tout a fait plu mais j'ai un peu “décroché” à d'autres. Il me reste l'envie d'essayer La nuit vénitienne.
Commenter  J’apprécie          250
Après l'échec de sa première pièce, La nuit vénitienne en 1830, Musset continuera d'écrire des pièces, mais sans vouloir les faire représenter. Lorenzaccio paraîtra en 1834 dans le premier tome du Spectacle dans un fauteuil. Malgré des tentatives de Paul, le frère de l'auteur, l'oeuvre ne pourra être représentée pour la première fois qu'en 1896, avec Sarah Bernhardt dans le rôle titre. Cette prise de rôle prestigieuse va créer la tradition de faire jouer le personnage de Lorenzaccio par une femme. Ce n'est qu'en 1953, qu'une version avec un homme dans le rôle titre s'impose : c'est la fameuse mise en scène de Jean Vilar, avec Gérard Philippe. La pièce devient un classique.

Elle est toutefois très complexe à mettre en scène : trente-neuf tableaux, une centaines de rôles...c'est la pièce de la démesure, du romantique flamboyant. L'absence de la perspective scénique, avec ses limitations, a permis à Musset de donner libre cours à toute son imagination créatrice. le revers de la médaille, c'est que la pièce reste finalement peu jouée, et qu'elle ne l'a jamais été en entier : toute représentation est une adaptation. le choix de ce que l'on coupe est déjà une lecture.

C'est une pièce historique, genre souvent mis à l'honneur par les Romantiques (la pièce suit d'une année Lucrèce Borgia de Victor Hugo). Elle se base sur l'assassinat du duc de Florence, Alexandre, par son cousin Lorenzo en 1537. Georges Sand avait écrit sur le sujet un drame, « Une conspiration en 1537 » qu'elle abandonne à Musset. Il va complètement transformer la trame d'origine pour en faire cette pièce polyphonique et complexe, presque monstrueuse (le monstrueux fascine les Romantiques), qu'est devenu Lorenzaccio.

La pièce est en réalité très difficile à résumer, tant les personnages, les thèmes, les sujets sont nombreux. le motif principal, est celui de Lorenzo, cousin du duc en place, Alexandre, son âme damnée semble-t-il, qui l'accompagne dans ses débauches et ses crimes, qui gagne sa confiance. Musset laisse très vite deviner que Lorenzo a comme but d'assassiner Alexandre, pour rendre la liberté aux citoyens de Florence, que son comportement est une ruse. Mais la grande richesse de la pièce est de ne pas se borner à ce motif, mais d'élargir le questionnement. En réalité de nombreux personnages interviennent, avec à chaque fois, à un niveau ou à un autre, une interrogation sur le pouvoir, sur la façon de gouverner, de se gouverner, d'organiser la vie sociale, de se positionner dans une société. Il y a la comtesse Cibo, républicaine convaincue, qui devient la maîtresse d'Alexandre, avec l'idée de faire changer son comportement. Mais ce personnage montre toute l'ambiguïté de la pièce : bien évidemment, elle ne pourra pas changer le Duc, mais on finit par se demander, si elle y croyait elle-même ; à quel point son orgueil, son attirance aussi pour Alexandre ne l'ont-ils pas motivée. Mais Musset entremêle toutes ces motivations, elles ont au final chacune une part dans le comportement de la comtesse, rien n'est univoque.

Un autre pesonnage important est Philippe Strozzi, le chef d'une famille importante de Florence. C'est en principe l'homme juste, mesuré, il se retrouve victime des menées du Duc. Mais il se contente d'être observateur, n'approuvant pas, mais restant en retrait, ce qui permet aussi au Duc de se maintenir en place. Il réagit uniquement au moment où sa famille est menacée. Son fils Pierre, quand à lui, se montre violent et inconsidéré, et finit, devant l'impossibilité de réaliser son ambition, de se tourner vers un autre maître, le roi de France, tout en étant conscient que ce dernier ne respectera pas ceux qu'ils souhaite conquérir, donc en trahissant en pleine connaissance de cause. Ces grandes familles sont au final d'autres Médicis en puissance, l'intérêt et l'ambition personnelle étant en quelque sorte inévitables, les réaliser est une question d'opportunité et de possibilités matérielles.

Enfin le peuple, le plus grand sacrifié des coupes effectuées par les mises en scène de la pièce, qui juge, qui commente, spectateur et possiblement acteur. Musset le montre changeant, facile à manipuler, possiblement violent sans raison, peu conscient de ce qui se joue, égoïste à court terme, et peu fiable. On pourrait aussi évoquer la figure importante du peintre, qui introduit un artiste, et l'oblige aussi à se positionner.

Le drame de Lorenzaccio prend toute sa mesure dans ce contexte. le personnage est au moment de l'action pleinement conscient de l'ambition des puissants et de l'impuissance et faiblesse de la foule.En côtoyant le pouvoir, il a perdu foi dans les hommes. C'est cela qui fait qu'il ne croit plus à l'utilité de son geste, qui devient presque juste une obsession, et une fuite vers sa propre mort. Car lui-même en devenant un autre s'est perdu. le masque qu'il pensait avoir revêtu pour abuser Alexandre est devenu son propre visage, et le retour en arrière n'est plus possible. Il est d'une extrême lucidité sur lui-même et les autres, ce qui l'amène à l'amertume et finalement une forme d'impuissance.

Une pièce immense.
Commenter  J’apprécie          2319
"Cela est trop cruel d'avoir vécu dans un palais de fées, où murmuraient les cantiques des anges, de s'y être endormie, bercée par son fils, et de se réveiller dans une masure ensanglantée, pleine de débris d'orgie et de restes humains, dans les bras d'un spectre hideux qui vous tue en vous appelant encore du nom de mère."
Marie à Catherine, Acte I scène 6

Certes, elle est bancale, mal fichue, il y a un monde fou et d'ailleurs elle n'est jamais jouée entièrement... Et ce rôle de Lorenzo, une savonnette, casse-gueule comme on en fait peu, et va t'en passer derrière Gérard Philipe, Pierre Vaneck, Francis Huster...

J'aime cette pièce, infiniment, depuis la première fois où je l'ai vue, à la télévision, enfant.
Je n'y avais absolument rien compris, tu penses, à 8 ou 9 ans !
Mais j'avais été incroyablement touchée par la somme de désespoir qu'elle charriait.

Forcément j'y suis revenue plus tard, à l'adolescence, où j'ai été émue par ce personnage romantique caché derrière son cynisme et sa débauche, son destin tout tracé, sa fin programmée tragique, et qui ne fléchit pas.
C'est au fil des lectures que j'ai découvert et sa complexité et l'écho qu'elle faisait à l'époque où elle a été écrite, après la Révolution de 1830 et les déceptions qui l'ont suivie.

Jamais je n'ai été désillusionnée, de ce charme lancé par un Vaneck en noir et blanc.

Et bien que je l'aie laissée de côté plus de dix ans, cette dernière lecture ne m'a pas davantage déçue.

Ce Lorenzo me rappelle maintenant tous les copains que j'ai vu endosser son rôle, l'un davantage dans le cynisme, un autre plus près du jeune rêveur, tous lui donnant vie en équilibre sur les mots, la révolte, la colère De Musset.

"Suis-je Satan ? Lumière du ciel ! Je m'en souviens encore, j'aurais pleuré avec la première fille que j'ai séduite, si elle ne s'était mise à rire. Quand j'ai commencé à jouer mon rôle de Brutus moderne, je marchais dans mes habits neufs de la grande confrérie du vice comme un enfant de dix ans dans l'armure d'un géant de la fable. Je croyais que la corruption était un stigmate, et que les monstres seuls le portaient au front. J'avais commencé à dire toute haut que mes vingt années de vertu étaient un masque étouffant. Ô Philippe ! J'entrai alors dans la vie, et je vis qu'à mon approche tout le monde en faisait autant que moi ; tous les masques tombaient devant mon regard ; l'humanité souleva sa robe et me montra, comme à un adepte digne d'elle, sa monstrueuse nudité."
Lorenzo à Philippe, Acte III scène 3 d'anthologie !

Comment ne pas être enflammé par ces mots ?
Pas de chance, nous étions toutes aveuglées par le Lorenzo d'un Francis Huster jeune, beau, vénéneux et plein de talent…

Sinon, pour ceux qui ne connaissent pas l'histoire, vous pouvez regarder comment Jean Rochefort vous la raconte à la sauce spaghetti dans LES BOLOSS des belles lettres, je mets en commentaire le lien qui est modifié sans cesse par Babelio !
Commenter  J’apprécie          227




Lecteurs (9552) Voir plus



Quiz Voir plus

Le Cid (Corneille)

Que signifie "Le Cid" en arabe ?

le seigneur
le voleur
le meurtrier

10 questions
818 lecteurs ont répondu
Thèmes : théâtreCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..