Citations sur Nujeen, l'incroyable périple (67)
C'est là, encerclée par la police et dans l'incapacité de sortir, que j'ai mesuré à quel point la liberté était précieuse. Ce jour-là, j'ai compris pourquoi nous avions entamé toute cette révolution, malgré la réaction d'Assad qui avait conduit le pays à sa destruction. Je ne pouvais plus faire semblant de faire une espèce de voyage d'agrément à travers l'Europe - je savais à présent que j'étais véritablement une réfugiée.
J'adorais m'allonger sur le dos et contempler les étoiles, si nombreuses, si loin, qui s'étendaient dans l'au-delà comme un sentier étincelant. C'est à ce moment-là que j'ai rêvé pour la première fois d'être astronaute. Parce que dans l'espace on flotte et que les jambes n'ont aucune importance.
D'ailleurs, chose curieuse, on ne peut pas pleurer dans l'espace. A cause de l'apesanteur, si on pleure comme sur Terre, les larmes ne tombent pas, mais s'agglomèrent dans les yeux et forment une boule liquide qui se répand sur le reste du visage comme une drôle de grosseur, alors faites attention.
Ces marches étaient mon endroit préféré pour jouer avec la boue et regarder le va-et-vient des gens. Mais, surtout, j'attendais une personne en particulier: le vendeur de salep. Si vous ne connaissez pas, le salep est une sorte de smoothie à base de lait épaissi avec de la poudre de racines d'orchidée des montagnes, parfumé à l'eau de rose ou à la cannelle et servi à la louche dans des gobelets sur un petit chariot en aluminium. C'est un délice. Je savais toujours quand le vendeur de salep approchait parce que son radiocassette diffusait des vers du Coran et non pas de la musique comme les autres marchands ambulants.
La Syrie ne voulait pas que nous autres Kurdes fréquentions ses universités ou occupions des postes de fonctionnaires, mais tenait à ce que l'ont se batte dans son armée et rejoigne le parti Baas.
« Le pire, quand on est handicapé, c'est qu'on ne peut pas s'isoler pour pleurer dans son coin. On n'a aucune intimité. »
« Je peux vous parler de Staline et d'Hitler, mais d'aucune de leurs victimes. Est-ce que ce sera la même chose avec Assad dans cinquante ans ? Sans doute. Les gens sauront tout de lui mais rien des bonnes gens de la Syrie. Nous ne sommes que des nombres, Nasrine,Bland, moi et tous les autres, tandis que le tyran entrera dans l'Histoire. Cette pensée est effrayante. »
« Parfois on dirait que tout le monde essaie d'escroquer les réfugiés. »
Pour réussir en tant que migrant, il faut connaître la loi. Il faut être débrouillard. Il faut avoir un Smartphone, avoir un compte Facebook et Whatsapp. Il faut de l'argent. Idéalement, il faut connaître quelques mots d'anglais. Et, dans mon cas précis, il faut une sœur pour pousser le fauteuil roulant.
Staline a tué 6 millions de personnes dans ses goulags et pendant les Grandes Purges. Le régime d'Hitler a été encore plus meurtrier : 11 millions de morts et 17 millions de réfugiés. Je peux vous parler de Staline et d'Hitler, mais d'aucune de leurs victimes. Est-ce que ce sera la même chose avec Assad dans cinquante ans ? Sans doute. Les gens sauront tout de lui mais rien des bonnes gens de la Syrie. Nous ne serons que des nombres, Nasrine, Bland, moi et tous les autres, tandis que le tyran entrera dans l'Histoire. Cette pensée est effrayante.
Notre crainte était que les gens associent les réfugiés à des terroristes et qu'ils aient peur de nous. Nous-mêmes fuyons le terrorisme, nous sommes seulement en quête de sécurité, justement parce que ce genre d'attentats se produit dans notre pays. Nous ne voulons faire de mal à personne.
Quand j'ai entendu parler des attentats de Paris, j'ai été soulagée que nous n'ayons pas de télé. Il se passe à travers le monde tout un tas de choses terribles que je ne tiens pas à regarder. C'est un autre des "principes de Nujeen" : si vous voulez rester heureux et en bonne santé, évitez de regarder les informations.
Je déteste le mot "refugee" plus que n'importe quel mot de la langue anglaise. En allemand, "Flüchtling" est tout aussi dur. Il renvoie en réalité à un citoyen de seconde zone avec un numéro griffonné sur la main ou imprimé sur un bracelet, et dont tout le monde voudrait qu'il disparaisse. 2015 marque l'année où je suis devenue un fait, une statistique, un nombre. J'ai beau aimer les faits, nous ne sommes pas des nombres. Nous sommes des êtres humains et nous avons une histoire.