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Critique de Patsales


Ouh que j'ai eu du mal à avancer dans ce livre! Il comporte un certain nombre de défauts qui devraient être rédhibitoires mais... mais la thèse est belle et emporte tout.
L'auteur a eu une intuition sur les liens qui unissent sexe et connaissance, en sortant d'une représentation des « Femmes savantes » de Molière. Certes, nous avons tous, au moins ici sur Babelio, fait des jeux de mots approximatifs sur le plaisir d'être un obsédé textuel ou ricané de l'euphémisme qui consiste à connaître autrui, oui, mais bibliquement.
Sauf que Naccache prend vraiment le sujet à bras le corps et c'est parti mon kiki.
Donc, les femmes savantes ou pas de Molière sont ainsi faites qu'elles professent un amour démesuré pour la culture ou pour les plaisirs du conjugo, mais qu'aucune ne semble s'apercevoir qu'on peut au lit faire aussi bien des ratures que des galipettes et se partager entre une pal et un mâle tout autant déclencheurs de plaisirs.
Naccache y voit une névrose pas piquée des hannetons et dresse une typologie de nos maux psychiques, chacun associé à un personnage de Molière.
Bon, là, évidemment, j'ai commencé à souffrir, à voir toute subtilité mise sous le boisseau et ces êtres quasi de chair et d'os figés dans une pathologie forcément réductrice. Mais bon. Freud a déjà fait le coup avec Oedipe. Poursuivons.
Deuxième bronca. Naccache est un scientifique et a besoin pour penser d'investir des formules à haute valeur de technicité ajoutée : il commence moderato avec FIC, avant de proposer hardiment XYX' et de me perdre définitivement en concluant d'un X1X2X1'.
Le pire étant que la modélisation pourrait s'expliquer assez facilement en français standard. Pour dire l'essentiel, le sexe et la connaissance ont en commun de permettre à chacun d'évoluer: en me laissant pénétrer par le corps ou la pensée d'autrui, j'accepte de connaître une expérience qui me transformera.
Sauf que changer est une épreuve que nous cherchons à éviter en réduisant l'autre à un pur objet de consommation. Je me sers d'autrui pour le mettre au service de mes certitudes ; en refusant de le connaître, je choisis aussi de me méconnaître puisque je n'irai pas explorer toutes mes potentialités. Et notre société accroît cette tendance à la pornographie tant physique que mentale: youporn et Wikipedia même combat, qui nous submergent de contenus pour nous éviter tout approfondissement.
Pas mal, non?
Mais Naccache, sans le savoir, nous rejoue une vieille partition: connaître l'autre, le traiter en égal, nécessiterait de s'intéresser à sa sensibilité. Donc, il veut se mettre à nu devant son lecteur, ce qui signifie qu'il nous parle plusieurs fois de sa femme Karine. (mais, je m'en fous moi, que sa femme s'appelle Karine!) Et il vient chercher son lecteur, refusant de parler du haut d'une chaire dans une posture excluante. Alors il cause d'jeune avec des « Allo, quoi » et des emoticons, genre le prof star du collège.
Au-se-cours.
Moi, je crois avec Proust que l'art peut foudroyer et que l'artiste nous élève, mais qu'on se contre-tape contre Sainte-Beuve que cet artiste soit aussi un homme qui préfère les biscottes au petit déjeuner. Je ne veux pas qu'on « partage » avec moi mais je désire qu'on me fasse confiance. Je suis lectrice ou amoureuse. Je prends de l'autre ce qu'il n'avait pas prévu de me donner -ni moi de prendre, et lui aussi aura plus.
Alors, il y a plein de trucs intéressants dans ce bouquin. Mais par pitié, qu'on ne me les assaisonne pas à grands coups de « il faut sauver le soldat Molière » (Si, si, il a osé ). Parce que là, c'est moi qui me sauve.
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