Lisons enfin, jugeons après. (Charles Ruelle, Introduction à l'édition française)
Mais comment ne pas céder au pessimisme au vu des toutes les informations alarmantes dont nous disposons sur l'état du monde ? La conviction de Naess est qu'il est toujours possible d'éprouver de la joie dans l'expérience immédiate - d'y trouver matière à s'émerveiller. La difficulté est de réussir à faire partager cette conviction, et de donner l'envie aux uns et aux autres de vivre autrement dès maintenant. Naess affirme avoir commencé à écrire 'Ecologie, communauté et style de vie' parce qu'il était pessimiste quant à l'avenir du monde, et dans le but de montrer que "la joie permanente était possible, même dans un monde confronté au désastre".
David Rothenberg, in Préface à l'édition américaine
Conformément à une thèse que Naess défendra dans son ontologie, il importe de souligner qu'aucune communication ne se déroule dans la solitude. Une idée ne nous vient à l'esprit et ne retourne dans le monde des hommes où elle donnera lieu à discussion que si elle en provient, et ce n'est que dans ce va-et-vient incessant qu'elle commence à exister collectivement et avoir du poids. Toute communication présuppose une "pensée relationnelle", en vertu de laquelle "rien n'existe séparément" - rien, c'est-à-dire même pas une personne, ni une espèce ni rien de ce qui existe dans la nature. Un mot ne prend vie qu'à la faveur des significations qu'on lui prête et des diverses interprétations compatibles dont il peut être l'objet. Un concept n'a de sens qu'à la condition de pouvoir se voir assigner une place dans le champ mobile des autres concepts avec lesquels il noue des relations. Penser par concepts revient à identifier des totalités qui sont perçues comme étant douées d'une unité organique reconnaissable, semblables si on veut à un réseau de relations douées d'une certaine unité. Le terme que choisit Naess pour désigner ce genre de forme concevable est celui de gestalt, et est tiré des recherches en psychologie de la perception de la première moitié du XXe siècle.
David Rothenberg
in Préface à l'édition américaine : l'écosophie T, de l'intuition au système