Le titre et la photographie de couverture m'ont attiré pour lire ce livre. Il aborde, il me semble, un sujet peu chroniqué, le rôle des femmes sous le Reich, qu'
elles soient auxiliaires des camps (infirmières) ou gardiennes. Et c'est surtout le rôle de ces gardiennes dont va nous parler
Barbara Necek.
La photographie de couverture a été prise en 1944, et est celle de Herta
Lutz, l'une des gardiennes des camps de concentration, l'une des 4 000 femmes qui ont servi dans ces camps. Les photographies annexées en fin d'ouvrage sont très impressionnantes aussi.
Ce livre est dans ce qui se nomme le "taterforschung", c'est à dire l'étude des bourreaux. Il a été logique et nécessaire de dire, d'écouter les victimes mais de parler du point de vue des "mauvais", des bourreaux permet aussi d'appréhender et peut être un peu de comprendre des faits. J'avais déjà lu sur ce "taterforschung", que ce soient sur les généraux ou gardiens de prison, que ce soit en Amérique Latine ou en Asie. Un travail des fois peu compris mais qui permet aussi de comprendre et d'appréhender des moments terribles de l'histoire.
Barbara Necek nous parle aussi de ce qui a conduit à ce moment terrible de l'Histoire et de l'après et du présent.
Dès 1919, le suffrage universel est accordé en République de Weimar, universel veut bien dire aux hommes et aux femmes. Puis l'instabilité politique, économique, social va conduire comme nous le savons vers cette période sombre. En 1926, est créée la première union des femmes nationales-socialistes. Et entre 1933 et 1945, environ 13 millions de femmes font partie d'une organisation du Reich. Mais la femme doit être un modèle, une bonne épouse, une bonne mère et ne pas prendre trop de responsabilités, tout de même. Mais le pouvoir a besoin de main d'oeuvre (personnel dans les usines d'armement) et avec la mise en place d'une politique répressive, des prisons et des camps exclusivement féminins vont être construits. Et pour garder des femmes, il faut mieux des femmes. du premier camps de Voringen puis au fameux château de Lichtenburg et aux 13 camps de femme à la fin de la guerre, le pouvoir nazi va mettre en place son système de recrutement, d'employabilité des femmes dans les camps. le camps de Ravenburck va être le premier camps construit spécialement pour les femmes et il va devenir un véritable lieu de formation et de gestion administratives des gardiennes de camps, 3 500 femmes vont y être formées dont 150 gardiennes de camps.
"Un salaire alléchant, des logements décents et un uniforme pour faire un travail réputé facile : beaucoup de femmes issues de milieux défavorisées, peu éduquées, aux ambitions professionn
elles déçues ont en effet l'impression d'être devenues quelqu'un."
L'auteure va alors nous présenter quelques gardiennes et leur itinéraire.
Puis à la fin de la guerre, il va y avoir peu de procès, de condamnation, peu de documentations sur le rôle de l'IKL, inspection des camps de concentration. Mais grâce à l'acharnement de certains, des procès vont alors lieu. Mais quel constat à la lecture de certains procès.
Que ce soit le procès en 1977 d'Hermine
Braunstein, gardienne, de Nildegard Leckert, surnommée Brygida la sanglante. Ce procès va durer trois ans.
"Selon le code pénal allemand, les gardiennes sont traitées comme de vulgaires crimin
elles de droit commun, à qui il faut prouver qu'
elles ont du sang sur les mains. Chaque crime commis doit être étayé par des preuves et des témoignages concordants".
A l'issue de ce procès, trois gardiennes sont acquittées, Hermine Ryan, condamnée à perpétuité puis graciée au bout de 15 ans, Hildegzard Lacherit à 12 ans de prison. Et Nildegard Leckert a pu être candidate en 1979 aux élections européennes, malgré son passé (!!).
Un texte très documenté, des chiffres mais aussi des portraits de femmes. Et j'ai été très impressionnée par certains comportements et je pense qu'il faut continuer à documenter, à en parler, à tenter de comprendre mais sans pour cela pardonner. Cette banalité du mal peut encore et encore se produire et il faut donc rester vigilant. J'ai beaucoup aimé la dernière phrase de ce livre :
"Cette histoire n' pas fini d'être écrite. Nombreux sont les historiens qui pensent que les greniers allemands recèlent encore de trésors sous forme de journaux intimes ou de mémoires que la génération des enfants garde honteusement dans le secret. Il incombe à la génération suivante de les rendre à la lumière de l'Histoire. Pour qu'on n'oublie jamais."
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