En contre-courant de l’évolution qui mène de la Renaissance jusqu’à l’orée de notre siècle, une réhabilitation de la Loi se manifeste aujourd’hui, parfois sous des formes dramatiques. Car le prix d’une valeur que l’on possède est moins élevé que celui d’une valeur que l’on désire. Et c’est précisément l’actuelle nostalgie de la Loi qui en souligne l’urgence dans la pensée d’un Bialik ou d’un Kafka, porte-paroles, à des titres divers, de certaines inquiétudes fondamentales de notre temps. Ils ont ressenti l’absence de la Loi en leur vie comme le péché et l’échec de leur personne et de leur génération. Ils ont appelé la Loi, parce que d’avoir dû la refuser, torturait et frustrait leur être. « Forgez-nous la Loi ! » s’écrie Bialik, en conclusion d’une analyse de la crise spirituelle au début du XXe siècle. Et Kafka note dans l’intimité de son Journal, à la date du 19 octobre 1921 : « Ce ne sont pas la paresse, la mauvaise volonté, la maladresse… qui me font échouer ou pas même échouer en toutes choses : vie de famille, amitié, mariage, profession, littérature, mais l’absence du sol, de l’air, de la Loi. Me créer ceux-ci, voilà ma tâche… » (p. 17)