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Critique de mdlaix


1984 est l'oeuvre de George Orwell. Ici, Fido Nesti choisit de nous retranscrire cette histoire dans sa BD, avec des images frappantes. On peut en ressentir l'ambiance de peur et l'aura terrifiante des personnages et des lieux, dans cette première version graphique de l'oeuvre majeure d'Orwell.

Plus qu'un récit politique et dystopique, 1984 a nourri notre imaginaire sans jamais perdre de son actualité. Indéfiniment, l'histoire parle à nos concitoyens d'aujourd'hui. Beaucoup font un rapprochement entre cette fiction et nos dictatures et régimes politiques modernes. La polémique autour du contrôle des populations de masse a toujours existé et elle perpétue dans le temps.

A l'origine, Orwell s'inspire du stalinisme et du nazisme pour construire son propre régime totalitaire. C'est une façon pour lui de dénoncer ces dictatures abusives, le culte de la personnalité, la propagande, l'endoctrinement ou encore l'élimination des opposants. On retrouve l'esprit des "jeunesses hitlériennes" dans la combativité des enfants, qui jouent à s'entraîner comme des soldats et clament les slogans du parti haut et fort :

"Il devient presque normal d'avoir peur de ses enfants. Il ne se passe pas une semaine sans qu'on lise dans le Times un paragraphe évoquant un "enfant-héros" qui a dénoncé ses parents à la mentopolice."

Dans l'oeuvre de sa vie, Orwell dénonce un pouvoir confisqué au peuple que l'on a poussé à se révolter pour mieux l'asservir.

Parlons de l'histoire originelle du livre. Nous connaissons tous la belle ville de Londres et la part sombre dans laquelle elle est présentée : on y découvre un monde en guerre dirigé par une dictature dominante, dans lequel Winston Smith est employé à réécrire L Histoire au ministère de la Vérité. Mais malgré son apparente soumission le personnage semble garder sa liberté de penser, liberté qui pourrait bien lui faire perdre la vie. Car quand la surveillance est permanente, face à la matrix de "Big Brother is watching you" ("Big Brother vous regarde"), les individus "rebelles" ne vivent pas longtemps.

La BD est construire en trois parties distinctes, à l'intérieur desquelles on retrouve dix chapitres pour les deux premières parties et six chapitres pour la dernière.

Au fur et à mesure qu'on avance dans l'histoire, Orwell fait subir des épreuves au personnage de Winston Smith. Dans la première partie, il achète un carnet, vierge, pour y inscrire ses réflexions, l'obligeant à se cacher du télécran. En écrivant ses pensées sur le papier, il prend conscience de la supercherie du Parti, qui, en cherchant à réécrire L Histoire et en éliminant les opposants jusqu'à rayer leurs noms des listes officielles, cherche à manipuler le plus possible la population de masse.

Puis Winston tombe amoureux de Julia. Malgré le contrôle absolu des relations et de la sexualité, il loue illégalement une chambre à un brocante et retrouve son amante en cachette ; ils se tiennent par la main en se fondant dans la foule. Dès la première page du livre, il est déjà trop tard : Winston Smith n'arrivera jamais au bout de sa révolte, au bout du régime totalitaire. O'Brien lui expose un plan de révolte contre le parti et lui propose d'intégrer son groupe. Winston cède face à la tentation de découvrir sa liberté. Mais au fond de lui, il sait que c'est impossible. Pourtant, Winston et Julia s'engagent ensemble à servir la cause de la Fraternité, organisation secrète créée par O'Brien. Mais ils sont alors soudainement arrêtés par la Police de la Pensée.

Dans cette dernière partie, qui vient sceller le destin des deux amants, on les retrouve enfermés séparément au Ministère de l'Amour. Ce nom est en réalité une antiphrase, puisque c'est le lieu où sont torturés puis exécutés les opposants du Parti. On découvre ici que c'est à cause de O'Brien que Winston et Julia sont arrêtés ; ils ont été piégés. Si vous avez lu la BD, vous savez comme moi que Winston aurait probablement préféré mourir plutôt que de voir sa pensée se détourner. Torturé, il en vient à trahir Julia. C'était ce qu'attendait O'Brien : la seule pensée incontrôlable dans l'esprit des Hommes, c'est l'amour.

Au-delà du parallèle que l'on peut faire avec nos sociétés d'aujourd'hui, 1984 est une dystopie à vous en faire perdre vos repères : le régime totalitaire de Big Brother déshumanise l'homme. Il y a deux passions soigneusement contrôlées et manoeuvrées par le régime : la haine (un régime totalitaire a toujours besoin d'un ennemi extérieur ou intérieur et s'il n'y en a pas, on le crée) et la vénération du chef. le régime organise régulièrement des rites de célébration du Parti et de Big Brother en particulier (qui est une idée ou une idéologie plus qu'une personne).

Le graphisme incroyable de l'illustrateur Fido Nesti nous embarque dans le monde terrifiant du personnage mythique qu'est devenu Winston Smith. J'ai particulièrement aimé l'atmosphère à la fois envoûtante et redoutable. Non seulement fidèle à l'oeuvre originale mais également très difficile à réaliser en format dessiné, les images aux nuances majoritaires de rouge et de gris sont oppressantes et nous font ressentir cette peur et cette tension omniprésente tout au long du récit. On retrouve ainsi dans les dessins des couleurs froides, relativement sombres. le rouge et la couleur cuivre apportent parfois de leur éclat, mais ce sont comme des ondes de choc qui nous rappellent l'enfer de cette domination. Enfin, on peut remarquer dans le graphisme des bulles de paroles, certains mots qui se différencient. Dans l'extrait que j'ai cité un peu plus haut à propos des enfants du Parti, ce n'est pas par hasard que le mot "mentopolice" apparaît en gras. Les mots reliés au Parti semblent plus visibles dans le texte. Cela crée une tension supplémentaire, comme si, quoi qu'il advienne, le Parti serait toujours le plus fort et le plus redoutable de nos meilleurs ennemis.
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