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Critique de Woland


Wer Wind sät
Traduction : Jacqueline Chambon

ISBN : 9782330039431

Après recoupement, il apparaît que cet ouvrage se situe bien, chronologiquement parlant, après la rupture entre le commissaire Oliver von Bodenstein et son épouse, Cosima. Donc, directement après "Blanche-Neige Doit Mourir." Mais, comme pour tout un chacun en général, si grande que soit la douleur du divorce après tant d'années de mariage, la vie doit continuer. Et la vie de Bodenstein, ce sont les morts suspectes, les enlèvements, les trucs plutôt louches qu'il doit absolument résoudre avec son équipe. Son équipe où vient d'entrer Cem Altunay, personnage qu'on retrouvera par la suite, cela va de soi.

Dès le début, le lecteur comprend que, malgré tous ses efforts, Bodenstein est dans une période "flottante", d'autant que, élevé dans la certitude qu'il ne fallait jamais montrer ses sentiments, il a du mal à communiquer ce qu'il ressent, fût-ce à Pia Kirchhoff, sa collaboratrice la plus proche, qui revient tout juste de vacances en Chine avec son compagnon, Christof Sander. Elle se trouve d'ailleurs encore à l'aéroport lorsque son chef l'appelle pour lui annoncer qu'un cadavre a été trouvé à Kelkheim, à la société WindPro, qui vend essentiellement des éoliennes pour ainsi dire "clefs en main."

Sans défaire ses bagages, Pia fonce sur les lieux du crimes. La victime : le veilleur de nuit, Rolf Grossmann, qui n'était guère aimé des employés et avait un faible accentué pour la bouteille. Il a été trouvé raide mort au bas de l'escalier où il devait probablement faire sa ronde. L'autopsie révèlera qu'il est en fait décédé d'un infarctus mais, chose curieuse, les meurtrissures sur les côtes ont été infligées par quelqu'un qui, de toute évidence, a tenté de ranimer le défunt. Serait-ce par hasard le cambrioleur dont on a la preuve qu'il s'est introduit à la Société cette même nuit - mais pour voler quoi, on l'ignore encore - qui, ayant poussé sans le vouloir, en s'enfuyant, Grossmann dans l'escalier, a été pris de remords et est revenu sur ses pas pour essayer de réparer le désastre dont il était responsable ? Après tout, un cambrioleur n'est pas toujours un assassin, tous les romans policiers du monde vous le prouveront. Et souvent, les affaires dans la vie réelle le font aussi.

Nous entrons alors de plein pied dans l'intrigue qui tourne essentiellement autour d'un parc d'éoliennes que WindPro souhaite installer non loin de là. Mais il y a des opposants, qui se sont rassemblés sous le nom d"Initiative citoyenne" et qui comptent, entre autres, parmi eux, le père de Bodenstein, dont la propriété est dans le coin. le vieux comte est depuis des années le familier de l'un des leaders du mouvement, Ludwig Hirtreiter, propriétaire terrien pourvu de trois enfants qui ont rompu les liens avec lui et n'attendent que leur héritage. Mais Hirtreiter est solide, aussi solide que têtu. Aussi refuse-t-il énergiquement de composer avec le Directeur de Windpro, Stefan Theissen, qui cherche désespérément - il montera jusqu'à 3 millions d'euros - à lui acheter le fameux "pré aux Prêtres" où, en principe, devraient se dresser les éoliennes.

Ajoutons à cela que l'un des autres chefs de file de l'"Initiative citoyenne", Jannis Theodorakis, d'origine grecque comme son nom l'indique , n'est autre qu'un ancien cadre de WindPro, renvoyé pour faute grave, et qu'il brûle du désir maniaco-obsessionnel de se venger de Theissen. En outre, par le plus grand des hasards, et pour des raisons que l'on n'apprendra que bien plus tard, le jeune fils de Theissen, Mark, seize ans, s'est vu condamné à des Travaux d'Intérêt Général qu'il accomplit au Refuge pour animaux et à l'animalerie tenus par Ricky Franzen, la compagne de Jannis. Au milieu de tout cela, évolue l'énigmatique Nika, une "souris grise" qui s'est réfugiée chez Ricky après un clash dans son couple (enfin, tel est le prétexte donné) et travaille avec Ricky, Frauke Hirtreiter (la fille du propriétaire récalcitrant, vendeuse à l'animalerie) et, bien entendu, Jannis.

Le décès de Grossmann intrigue. Mais celui de Hirtreiter, abattu sur sa propriété de deux coups de fusil - un dans le ventre, l'autre dans le visage - en compagnie de son chien Tell, bien qu'on eût pu le prévoir dans une atmosphère surchauffée comme l'est actuellement celle de Kelkheim, se révèle bien plus sanglant et plus épineux encore à résoudre. Tant de gens avaient intérêt à voir mourir le vieil homme, à commencer par ses deux fils et sa fille ... Mais cette mort arrange aussi Stefan Theissen, cela va sans dire. Et peut-être Jannis Theodorakis, personnage narcissique et vraiment antipathique, à qui Hirtreiter faisait de l'ombre ...

Comme les démons de l'Evangile, les suspects sont légion. Et voilà que, au lieu de se préoccuper de dénicher le bon dans la masse, Bodenstein, qui a vécu une autre épreuve en manquant périr étouffé et piétiné par la foule lors de l'ultime réunion de l'"Initiative citoyenne" à laquelle avait participé Hirtreiter, ne trouve rien de mieux que de tomber amoureux. Ca arrive bien sûr à tout le monde et l'on ne sait jamais quand est-ce que cela vous dégringolera sur le nez. le problème, c'est que Bodenstein n'a plus d'yeux et de pensées que pour la fameuse "souris grise" de l'animalerie, Nika, laquelle se révèle bientôt ne pas être celle qu'elle prétend être.

Se déploie alors une seconde intrigue dont nous avions eu quelques prémices dans les vingt premières pages du livre et sur laquelle nous ne vous dirons pas grand chose, sauf qu'elle concerne les manipulations de certains pour mettre en garde le grand public contre le réchauffement climatique.

"Manipulation" est d'ailleurs le mot-clef de "Vent de Sang" car deux des héros sont, du début jusqu'à la fin, manipulés par ceux en qui ils avaient mis leur confiance. Mieux, on peut admettre que l'un des manipulateur a lui-même été manipulé jadis !

C'est le hasard pur qui a voulu que nous lisions "Vent de Sang" en cette période où la manipulation dans la presse écrite, télévisée et radiophonique atteint des degrés que l'on n'avait jamais vus (en tous cas, pas dans ma génération). Ce qui fait que, l'actualité réelle se mêlant ainsi à un polar où tout, en principe, n'est que fiction, on est poussé à réfléchir ... Cela ne fait jamais de mal, bien sûr mais cela vous fait également une drôle d'impression.

Bodenstein étant ici en état de choc ou dans une sorte d'état second, à vous de choisir (à la fin du livre, il demande sa mutation à la K11 de Berlin ), c'est sur les épaules d'une Pia rageuse mais brillante que repose pratiquement toute l'enquête. Au passage, au vu de certaines de ses réactions envers Nika, on comprend vite que, sous l'amitié sincère qu'elle voue à son chef et qu'il lui rend bien, se cache un sentiment qui pourrait bien être de l'amour - tous deux, d'ailleurs, s'en rendent plus ou moins compte même si le sujet est tabou entre eux. le style est fort, la technique et l'équilibre des intrigues qui se mêlent parfaits, l'ensemble solidement étayé avec un fil rouge qui relie entre eux les différents faits sans aucune incohérence. Quant aux personnages, ils sont toujours aussi, voire de plus en plus, attachants.

Lisez donc "Vent de Sang" en confiance mais à tête reposée. N'hésitez pas à prendre des notes, voire à relire le tout : vous ne serez pas déçus. ;o)
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