La poésie c'est la vitesse, le temps contracté ; la confusion apparente des plans, les rapprochements inattendus, les lèvres dans le cœur. La poésie est la restitution de l’inconcevable au concevable, de l’absurde à la raison, de la passion aux sentiments sans perte d’énergie.
RAISON SOCIALE
Je vis de peu. J’entends tinter des pierres dans ma
tête. On vient me visiter — un peu pour entendre ce bruit
et pour m’aider à fabriquer de la mousse. Je suis très bien
comme cela. Il paraît que ça me va à merveille. Il ne
me manque qu’un joyeux scorpion sur la bouche. J’en-
tends au loin mes amis qui m’appellent. Ils ont des voix
attendrissantes. Ils m’exhortent à m’échapper. C’est gen-
til. Ça réconforte. D’ailleurs ils ignorent totalement que
je suis dans un pavé. C’est mieux ainsi, leur mauvais sang
tournerait à l’aigre.
C’est drôle comme le centre du cyclone est calme,
immobile, champêtre... On se croirait presque en sécu-
rité, n’était-ce un méchant ver de terre dans la poitrine
qui fait : zhm... zhm... en brodant par-ci par-là dans la
viande spéculative. On pourrait aussi trouver à redire
à l’arc électrique qui fonctionne obstinément d’une tempe
à l’autre. Mais à part ça...
La poésie, c'est partir de soi pour faire rentrer les autres.
Tu mords à longs filaments de mer
à reculons dans ta cruelle déraison
et je te parle
dressé comme l'ombre!...
Je te suis- sais-tu?- ce caillou fracassé
miroir multiple exaspéré
Je te suis cet orgueil plein de silex
et de départ
Je suis ce feu perdu où tu te réalises
Midi
extrait 5
Le dessin était pur qui verrouillait
l’espace !
Nids blancs à fond de ciel
Mains de bois dur sans espérance
C’est midi qui se ferme
comme un objet.
Midi
extrait 4
Et que s’écrase la pleine candeur
à rendre sourd
à pleines forces contre tout
Tu tends les mains au plus
lointain du feu
Ta voix circule dans la pierre
Quelle chanson désormais pour
noyer le soleil ?
Non ! Rien !
Tout au plus au petit jour
une hâte lasse et
‒ barrant le visage ‒
l’ancien supplice désamorcé
Midi
extrait 3
Lève ton cœur comme vipère
ma petite tuile d’orgueil…
On écoute tourner le vin
noircir le sang
changer le sable
On écoute pourrir
comme une musique de terre
quelqu’un de seul
Midi
extrait 2
Les portes battues parlent d’or
Le vent durcit en coquillage
Descends ‒ tu le peux –
de ton chariot de victoire
pour un triomphe plus amer
pour une marche plus charnelle
Midi
extrait 1
Il est tombé ‒ dit-on –
plume noire et plume blanche
sa soif traînant
en immense branchage
et donnez-moi ‒ dit-on – ce sourire
et ce géranium !
Midi
…
On écoute tourner le vin
noircir le sang
changer le sable
on écoute pourrir
comme une musique de terre
quelqu’un de seul
et que s’écrase à pleine candeur
à rendre sourd
à pleines forces contre tout
tu tends les mains au plus
lointain du feu
Ta voix circule dans la pierre
Quelle boisson désormais pour
noyer le soleil ?
Non ! Rien !
Tout au plus au petit jour
une hâte lasse et
‒ barrant le visage ‒
l’ancien supplice désamorcé…