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Critique de Apoapo


Apoapo
10 septembre 2018
Cette bande dessinée se base sur un documentaire que le journaliste irano-canadien Maziar Bahari a réalisé à partir d'entretiens filmés de Saïd Hanaï, surnommé « le tueur araignée », emprisonné et condamné à la pendaison pour l'assassinat de dix-sept prostituées dans la ville sainte de Mashhad, en Iran, entre 2000 et 2001. Outre les personnages principaux – l'assassin et la journaliste Roya Karimi qui l'interviewe –, le récit convoque plusieurs personnages secondaires très intéressants : le juge (qui est un imam, calligraphe à ses heures), l'épouse et le fils de Hanaï, la première prostituée assassinée et son mari opiomane, et enfin, par ses dessins naïfs et colorés, une enfant de huit ans, la fille de la dernière victime de « l'araignée ». En retrait, mais non moins importante, se situe la vox populi, représentée par les passants, hommes et femmes, qui expriment leur opinion sur les crimes, le criminel et la justice.
Ce qui est frappant, ce sont justement ces opinions. Si Saïd Hanaï, non repenti, exprime le point de vue de l'homme pieux qui n'a fait qu'accomplir son devoir religieux, et la journaliste Karimi, la femme émancipée de Téhéran, sans doute une dissidente, exprime celui dans lequel le lecteur occidental peut se reconnaître, toutes les autres opinions, même de condamnation du tueur en série, sont littéralement incommensurables avec nos propres (para)mètres.
L'on peut donc sortir de la lecture avec une saine réflexion sur le relativisme éthique, dans sa forme la plus radicale, c-à-d. celle où justement les paramètres du jugement du bien et du mal ne sont pas comparables avec les nôtres. (Ce qui ne correspond pas, naturellement, au relativisme épistémologique...)

Du point de vue graphique, hormis le chapitre qui se compose des dessins de la petite fille, les planches sont toutes tracées à l'encre noir, d'un trait fin, dont les lignes parallèles et croisées donnent le relief, la courbure et les ombres. Elles reproduisent les plans cinématographiques, avec quelques subtilités très remarquables comme les flash-back et les scènes oniriques (de l'assassin et du fils), sans pour autant avoir une ambition de réalisme. Les trois dernières pages de l'album, avec une grande intelligence, offrent une chute ouverte sur le pessimisme ou l'optimisme... au gré de la sensibilité du lecteur.
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