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Critique de OliviaGometz


La meilleure romantasy que j'ai lue cette année (en même temps j'ai pas trop aimé ACOTAR/ACOMAF, la Reine des Ombres et la Cité de Laiton, mais quand même, je voulais souligner que Kalliopée T1 est clairement au-dessus, selon moi) !

Y'a tout ce qu'on aime dedans : un univers fantasy (très très survolé, juste ce qu'il faut pour avoir l'ambiance, mais personne va galérer à comprendre les enjeux entre Viridia et Lapisia c'est vraiment le niveau facile de la fantasy, si vous en avez jamais lu vous pouvez commencer avec Kalliopée sans aucun souci), un mariage arrangé ennemies to lovers avec un love interest absolument infect (coucou Karel, on te parle), une héroïne intéressante, des scènes très spicy (c'est pas du YA), de l'enjeu, du drame, du sacrifice... bref, une valeur sûre.

Je pensais pas avoir autant de choses à dire sur ce tome 1 et pourtant, y'a un paquet de trucs intéressants à relever.

Déjà, le côté "2000/3000 ans après l'effondrement de notre société" (j'ai un doute sur la période) change de la high fantasy classique, même si cet aspect-là n'est pas du tout exploité dans le tome 1. Tout ce qu'on sait, c'est que comme le monde s'est effondré à force de guerres, pandémies (ce bouquin a été écrit avant le covid, je tiens à le souligner) et dérèglement climatique. Et figurez-vous que sur les ruines de ce beau monde, ce sont les femmes qui sont accusées d'être les coupables de ce bazar, et de là découle le patriarcat extrême dans lequel évoluent les personnages.

Alors oui, c'est profondément injuste parce que "mais genre, c'est pas les femmes qui déclarent les guerres vu que le pouvoir est majoritairement entre les mains des hommes, en plus elles sont moins nombreuses au sein des forces armées", "heu les pandémies c'est pas nous non plus, et on vous rappelle que la majorité du personnel médical est féminin ?", "c'est le pompon parce qu'en 2022 ce sont surtout les femmes qui ont la charge mentale écologique dans les foyers" et "les femmes sont en moyenne moins riches que les hommes, et on sait qu'il y a un lien de causalité entre richesse et empreinte carbone". Mais ce qui est intéressant ici, c'est que ce raisonnement éclaté au sol (c'est crédible du coup, pardon mais le patriarcat on sait qu'il se base sur des trucs absurdes) évoque sans la nommer la genèse où c'est évidemment cette grande nouille d'Eve qui croque la pomme (pourtant c'est les mecs qui récupèrent la fameuse "pomme d'Adam", on vous voit hein) : le mythe fondateur qui justifie que les femmes souffrent lors de l'accouchement, moi je peux pas m'empêcher de le lier à l'histoire de Kalliopée.

Parce que dans cet univers, le système pénal est aussi con que le patriarcat : quand un homme est marié, les peines auxquelles il est condamné en cas de crime ou de délit sont exercées sur son épouse (rapport au fait que tout est de notre faute à la base).

Ouais, même le "vrai patriarcat" il trouve qu'ils abusent un peu.

J'ai eu un peu de mal à y croire parce que bon, dans un monde où la femme est si peu considérée, la punir elle plutôt que son mari, c'est donc sans impact (d'ailleurs, un personnage est amené à le dire au moment où la peine de mort lui pend au nez, il fait le mariole parce que "c'est ma femme qui prendra"). On se retrouve donc avec un système pénal complètement bancal qui ne prévient pas le crime, et ne le réprime pas non plus : à se demander comment les royaumes tiennent encore debout avec une justice aussi inutile.

Chose curieuse, il n'y a donc AUCUN personne qui défend ce système pénal éclaté (et pour cause), ce qui affaiblit un peu la puissance de ce patriarcat en roue libre.

Mais bref, c'est un détail parce que clairement, Kalliopée n'est pas une histoire politique (y'en a un peu, mais c'est très accessible et enrobé dans la romance, donc vraiment c'est pas un truc qui peut faire peur).

La grande force de ce récit, c'est la puissance des sentiments contradictoires de Kalliopée, qui est très clairement une sainte (dans le dictionnaire, "abnégation" est suivi du prénom "Kalliopée", clairement), et de Karel, le love interest hyper problématique et qu'on a un peu envie de voir crever dans d'atroces souffrances (enfin c'est personnel ça, je suis certaine que d'autres lectrices l'ont plus apprécié que moi).

Curieusement, le fait que j'ai trouvé leur romance horriblement dérangeante (pour vous dire, le très très bon spicy m'a presque mise mal à l'aise, mais c'est vraiment parce que Karel est un monstre) ne m'a pas empêchée d'aimer ce roman, parce qu'il a l'intérêt d'avoir plusieurs sens de lecture (selon moi) : une romance ennemies to lovers, ou "l'histoire tragique d'une princesse qui voulait la paix et qui se retrouve à tout sacrifier pour l'obtenir" (devinez quel est l'axe que j'ai choisi).

L'ambiance est très réussie : Kalliopée évolue dans une cour oppressante, malsaine, qui la déteste (à la fois par xénophobie et aussi à cause de ses yeux vairons qui la font passer pour un démon – ironique quand on voit les tarés à la tête de Lapisia) et contre laquelle elle passe son temps à se battre en silence.

L'immense qualité de Kalliopée, c'est ça : le silence. Alors elle réplique parfois et elle le fait plutôt bien, mais contrairement à beaucoup d'héroïnes de romantasy plongées dans un monde patriarcal qui peuvent donc se permettre de se rebeller ouvertement sans jamais en souffrir les conséquences, Kalliopée, elle, évolue dans un univers cohérent qui applique les règles que l'autrice lui a fixées. C'est patriarcal ? Dans ce cas, l'héroïne ne peut pas ouvrir sa bouche en permanence comme si elle était une femme indépendante du 21ème siècle. Et quand elle le fait, cela a toujours des conséquences.

Et ça, j'ai adoré parce que BON SANG je n'en peux plus des univers avec un aspect "pseudo-patriarcal" que l'héroïne peut démonter en 3 chapitres et 4 punchlines (si c'était si simple, vous pensez pas qu'on aurait déjà réussi chez nous aussi ?).

Le petit point négatif (mais qui plaira à plein de lectrices, je commence à le comprendre), c'est le fait que, comme dans beaucoup de romantasy, il y ait énormément de "tell" et très peu de "show" : l'autrice est excellente pour décrire les sentiments de ses personnages (le point de vue 1ère personne aide bien, mais même sans ça, elle y arriverait sans aucun problème), et du coup elle ne s'en prive pas.

On a donc énoooooormément de description de sentiments : alors ils sont intenses et intéressants, c'est pas cucul, mais c'est assez lourd et redondant pour un lecteur plus habitué à des romans "adultes" où plus de place est laissé à la suggestion et à l'interprétation. D'autant plus que ces sentiments sont souvent très logiques (on se doute que Kalliopée va être triste quand Karel lui parle comme à un chien) et très répétés (on va non seulement vous dire qu'elle est triste, mais on va vous le dire plusieurs fois). Après, force est de reconnaître que "c'est bien dit" : l'autrice a une jolie plume qui se révèle particulièrement dans ces passages-là.

Néanmoins, c'est vraiment un point à relativiser parce que, pour l'instant, je n'ai lu quasiment que des romantasy qui fonctionnent de cette manière (peu de descriptions "visuelles" – hors descriptions physiques et vestimentaires, mais beaucoup de descriptions sentimentales) : je suis pas loin de penser que c'est juste un code du genre avec lequel j'ai, personnellement, beaucoup de mal (mais ici ça m'a pas empêchée d'aimer, même si j'ai parfois lu un chouïa en diagonale parce que c'était la 3ème fois qu'on m'expliquait un truc obvious).

Bref, c'est ma plus longue review et j'aurais encore des trucs à dire, donc en résumé c'était une très bonne lecture que je recommande vivement si vous aimez la romantasy, je lirai évidemment la suite, et je pense que c'est une histoire qui me restera en tête un moment !
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