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Critique de afriqueah


-Charles, c'est le lion de la couverture, sérieux, imposant, un mâle alpha à la crinière noire qui a été chassé de son clan par les mâles plus jeunes revendiquant les femelles (c'est la vie) et vit seul, en attaquant les troupeaux : c'est lui le vrai héros du roman, qui ouvre et ferme le propos.

-Martin, gardien de parc national dans les Pyrénées est un fanatique anti-chasse, ou pour mieux dire antihumain, puisque pour lui ce sont les hommes qui déciment des espèces entières, dont la dernière ourse, Cannelle, dans les Pyrénées et dont il cherche avec rage le fils, Cannellito. Avec rage, malgré les avis de ses collègues qui voudraient bien le voir se calmer. Il entretient sa haine des chasseurs en consultant des sites dénonçant leurs pratiques, quand arrive sous son nez la photo d'une femme blonde, un arc à la main et un lion mort.
Il cherche, éperdu, et trouve cette femme tout en voulant la jeter dans la jungle des réseaux sociaux, qui la lyncheront à coup sûr.
Martin appelle ça « un flagrant délit de meurtre », une psychopathie. Une meurtrière qui de plus se fait photographier, avec son trophée, un animal en voie de disparition !


-Apolline avait reçu en cadeau pour ses 20 ans la chasse d'un lion (la vie d'un lion), en l'occurrence Charles.
Et un arc.
Pourquoi ce cadeau, et pourquoi accepte-t-elle ? le Ministère Namibien déclare le lion Charles nuisible, « problématique » après les plaintes des éleveurs de chèvres, et s'il est possible de se faire de l'argent au passage, au lieu de l'empoisonner, mieux encore. Il est question de beaucoup d'argent, cela tombe bien, le père de la jeune femme est pourri de fric, adorant sa fille et de plus un gros plouc.
Pourquoi accepte-t-elle ? Voilà à mon avis le point faible du récit, elle ne doit pas être très futée, répétant constamment « My god » et « en vrai » ; elle fait les choses pour faire plaisir à son père, ceci n'expliquant tout de même pas qu'elle accepte de tuer un fauve, qu'elle imagine être « son lion ».
« Tu vas les bluffer, les chasseurs de Namibie, » lui dit son abruti de père.
Question : devient-on une tueuse d'animaux sauvages pour faire plaisir à son père ? Quand elle a dix ans, elle a déjà eu le bonheur de tirer sur un animal, et en a reçu le frisson (dans le dialecte des chasseurs, cet acte s'appelle prélever).

-Hondjima, un Himba, amoureux, voudrait lui aussi tuer Charles, pour mériter sa belle et venger son père qui a perdu toutes ses chèvres en une seule nuit, exterminées par Charles. Il veut venger son père, mais, à la différence d'Apolline, il a résolu son complexe d'Oedipe, il sait que le père, ruiné, avait fait de mauvais choix et se contente « d'attendre les indemnités promises par le ministère, en compensation de ses pertes. » Il sait aussi qu'il lui faut autant de courage que ses aïeux en avaient pour se mesurer à un lion.

Avec ces personnages, en employant un chassé-croisé des évènements, entre le mois de mars et d'avril, Colin Niel nous fait visiter le pays des Boshimans, les tresses des femmes, leurs habits, leur manière de se peindre le corps et les cheveux en ocre, leur coquillage de poitrine et leurs bracelets et colliers divers. Il nous présente deux mondes géographiquement opposés, les Pyrénées et la Namibie, avec chacun leurs idéologies : les premiers, conserver les ours autochtones, sauf que le dernier « survivant » que Martin cherche, est introuvable, les deuxièmes, se débarrasser d'un prédateur, le lion Charles.
Le tout, sur fonds de réchauffement climatique, qui prend des allures meurtrières avec la sécheresse en Afrique, et l'appel pour les deux civilisations aux traditions (même si les conditions sont bien différentes, les uns chassant pour survivre, les autres comme passe-temps coûteux).

Ne nous fions jamais à Colin Niel : il expose une situation, et la renverse avec délectation. Nous aussi, bien entendu, prenons plaisir à ce renversement, d'autant que
tous les éléments sont mis en place : le fanatisme d'un écolo qui a au départ raison, la monstruosité de cette jeune ingénue sous la coupe de son père (pour ne pas dire amoureuse de son père !), la sincérité de Hondjima voulant que sa belle l'épouse, car ce sont les hommes qui donnent la dot et seul un acte héroïque pourrait convaincre le père, lui aussi assez riche et enfin, Charles, puissant, résilient, un seigneur sanguinaire dont tout le monde veut sa peau.
Comme, génialement, l'auteur nous a présentés ses personnages sans prendre parti pour l'un ou pour l'autre, nous avançons dans la lecture comme dans une brousse où nous nous efforçons d'apercevoir une crinière noire et deux yeux brillants…avec la difficulté que c'est de suivre la traque en ayant peur et pourtant un peu de longueur sur la fin (vlan, une étoile en moins).
Non, allez, cinq, pour le voyage, et le lyrisme de l'écriture.
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