AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de batlamb


La poésie toujours présente dans l'oeuvre de Nietzsche nous entraîne ici vers la métaphore, au détriment de la vérité historique et au profit de la vérité voilée des Mystères de Dionysos. Ainsi, Zarathoustra (ou Zoroastre) n'a plus grand-chose en commun avec l'inventeur supposé du dualisme. Il se retourne symboliquement contre cette idéologie et devient un chantre du monisme, proclamant l'union entre corps et esprit. Blasphème ! Nietzsche insulte le prophète !

A la fois solennel et exubérant dans le ton, ce livre caricature le style des écrits religieux. On peut le rapprocher de la parodie, genre auquel Nietzsche rend son sens originel. Car en bon philologue grec, il se souvient que le mot parodie vient de para (le long de) et de Ôdè (chant). Zarathousta chante donc le long de l'humanité, en prenant une distance ironique. Il la côtoie dans toute sa diversité, au fil de ses voyages entre montagne et mer. Flux et reflux, ascension et déclin, Zarathoustra se plaît à penser dans le mouvement : un esprit sain dans un corps sain.

Il fait donc bonne pitance, changeant la Cène en bacchanales, où sont ridiculisés les « hommes supérieurs », appellation ironique de ceux qui rejettent les valeurs passées, mais sans volonté de les remplacer. Chez ces hommes, la parodie devient une idole, un ramassis d'âne-ri (I-A !). Aussi revient-il à Zarathousta de rire de leur rire, pour rétablir le sérieux de ses propres jeux, nom de Dieu !

Zarathousta s'amuse à vivre parmi les animaux et, tel un docteur Moreau platonique, à combiner leurs qualités en vue d'élargir les horizons de l'humanité. Il s'inspire ainsi de l'aigle altier, du rusé serpent… ou du divin bovin :

« Si nous ne nous convertissons et ne devenons semblables aux vaches, nous n'entrerons pas au royaume des cieux. Il y a une chose que nous devrions apprendre d'elles : à ruminer. »

La pensée de Nietzsche affirme la volonté de vivre en fonction de valeurs idiosyncratiques. Agir de façon à souhaiter que chacun des moments de nos vie revienne éternellement (ici c'est l'impératif catégorique de Kant qui est détourné). La ménagerie de ce recueil sert autant à éclairer cette voie qu'à moquer ceux qui lui font obstruction, du poison de l'araignée égalitaire à la vanité des poètes paons-paons cuculs. Autrement dit, tous ceux qui ont fait stagner la pensée humaine dans l'équilibre (ponctué ?) du bien et du mal. À la fois évolutionniste et romantique, la notion du Surhomme est marquée par les idées de son siècle. Elle n'en vise pas moins à les dépasser, et enjoint donc ses adeptes à la dépasser elle-même : « je vous ordonne de me perdre et de vous trouver ».

À l'instar des Chants de Maldoror de Lautréamont, publiés à la même époque outre-Rhin, Ainsi parlait Zarathoustra est donc une féroce charge animalisée contre l'ordre établi. le lion rugit, les tombeaux des mélancoliques explosent sous l'effet d'une bombe libérant des « milliers de visages d'enfants, d'anges, de hiboux, de fous et de papillons », et le monde ancien « périt » dans un éclat de rire.
Commenter  J’apprécie          278



Ont apprécié cette critique (26)voir plus




{* *}