54 minutes.
Ça suffit pour que le monde s'affaisse. 54 minuscules minutes.
Nous sommes en Alabama, dans une école : « un élève enferme ses camarades dans une salle pendant
54 minutes. Parmi eux, quatre de ses proches. » Je regrette un peu que la quatrième de couverture n'en dévoile trop car pour ma part je me serais arrêtée là. Il y a l'essentiel : une matinée normale et puis le basculement. L'enfermement. La stupéfaction. Des pistolets qui déchirent les tissus du monde ordinaire. L'horreur et la terreur qui s'emmêlent. L'impossible réalité.
Nous suivons Claire et Chris, Autumn et Sylvia, Tomás et Fareed, et puis bien sûr Tyler. Celui qui traîne derrière lui une réputation malsaine et noire. Celui qui fait irruption dans la salle et décide soudainement que toutes les vies qui s'y trouvent lui appartiennent désormais.
Je n'ai malheureusement pas autant apprécié ce roman que je l'aurais voulu, dans le sens où il ne m'a pas touchée et remuée comme je m'y attendais. J'ai lu de nombreux livres sur les tueries aux Etats-Unis parce que c'est un sujet qui me bouleverse, mais celui-ci est resté pour moi en surface. D'abord il est court – peut-être trop pour que je m'attache aux personnages –, mais ce qui m'a le plus gênée, c'est qu'il m'apparaît peu crédible. Bien sûr j'écris cela en tant que personne extérieure qui n'a jamais vécu une épouvante pareille, mais quelques scènes ne m'ont pas convaincues. Certains dialogues sont caricaturaux, la plume n'a rien d'exceptionnel, et pourtant, bondissent ici ou là des phrases-choc qui secouent et percutent, et me font penser que ce roman aurait pu être bien plus saisissant qu'il ne l'est.
« J'aurais aimé savoir qu'il nous restait si peu de temps », écrit Marieke Nijkamp. Et je crois que tout est là. « Nous ne sommes pas meilleurs parce que nous avons survécu. Nous ne sommes pas plus malins ou plus méritants. Nous ne sommes pas plus forts. Mais nous sommes ici. Nous sommes ici, et ce jour ne nous quittera jamais. » Ça sonne comme un credo, une prière, une philosophie de vie. Et là, dans ces petites phrases distillées au fil des pages, je retrouve l'incisif, le magnifique, l'espérance et la détermination. J'aurais aimé que le livre entier soit à l'image de ces petites phrases et qu'il ne se retrouve pas noyé dans trop de clichés, roman jeunesse ou pas. Pour moi, ce n'est pas parce qu'un roman se destine aux jeunes personnes qu'il doit tomber dans la facilité.
Après, ce n'est pas parce qu'il n'a pas totalement fonctionné sur moi que c'est un mauvais roman, je ne me permettrais jamais d'écrire une chose pareille. Ce n'est pas ce que moi je cherche mais il plaira à beaucoup d'autres gens et malgré mon avis mitigé, il reste essentiel parce que parler de ces horreurs reste essentiel. Quand on sait que le droit de posséder une arme à feu est garanti par le deuxième amendement de la Constitution des États-Unis, c'est révoltant et terrifiant. Depuis 20 ans, on compte des tueries en milieu scolaire presque chaque année dans le monde. Alors si ce petit roman permet d'en parler et de sensibiliser toujours plus, je pense qu'il aura atteint son but.
« Nous n'avons peut-être pas l'éternité, mais il nous reste encore demain. » Il y a de belles sincérités dans ces pages, d'intelligentes prises de conscience. Et je pense que c'est vraiment cela que l'on doit retenir, en passant outre les clichés. La beauté de l'instant. La brièveté terrible de l'existence. L'importance du non-jugement et la puissance des liens que l'on crée avec autrui.
Merci beaucoup à NetGalley et aux éditions Hachette Romans pour ce petit roman engagé et sa superbe couverture.