Citations sur Le faux ami (19)
Voici mon conseil : lisez, lisez tous les grands noms. Il ne s'agit pas de vous distraire, comme un lecteur banal. Non, lisez en écrivain, chère amie, avec attention et concentration. Relisez jusqu'à ce que ces phrases vous fassent l'effet d'être vôtres, lisez tout ce que vous trouvez d'un auteur que vous aimez et admirez, […]. (page 135)
Quand on est jeune, on ne comprend pas. La vie passe si vite, un jour on se retourne et on est là, dans l'ultime impasse.
Il y a tant de choses... […] On aime bien éviter de se tromper. La vie est trop courte pour lire de mauvais livres. (page 395)
Il avait du mal à saisir pourquoi un homme aussi important s'intéressait à un manuscrit inachevé, même s'il avait été rédigé par un écrivain d'une célébrité hors-normes que nombre de gens étaient impatients de lire, […]. (page 181)
Nous vivons sur un rythme trop rapide, pensait Freytag. Le téléphone, l'automobile et ces étranges nefs aériennes : Dieu seul savait quels autres appareils démentiels on irait inventer ensuite. (pages 25-26)
Un poids lui pesait sur la poitrine, juste en dessous du sternum : l'idée qu'il n'avait pas de talent, qu'il était incapable de créer. Il maîtrisait la langue, aucun doute à cet égard - n'y avait-il pas voué son existence, et avec succès ? Pourtant, un doute s'insinuait en lui, dans le noir : il n'était jamais qu'un équilibriste des mots, un accordeur de piano, un vulgaire maquilleur. A quoi bon de belles phrases, si elles ne communiquaient rien d'important, la vérité sur la vie, si elles n'élevaient pas le particulier au niveau de l'universel ? Il n'était pas doué d'imagination, c'était un morne réaliste, aussi terre à terre qu'un plant de pomme de terre. Je suis un professeur d'allemand, pensa-t-il, pas un conteur ; pas un Barsch.
Les personnages de ses romans étaient vivants, ils sortaient de la page imprimée pour pénétrer dans le cœur du lecteur, où ils devenaient plus réels que les êtres qui, en chair et en os, l'entouraient, si vrais qu'ils s'incrustaient dans la mémoire telles de vieilles connaissances. (page 74)
Barsch qui n'avait pas fait d'études secondaires et était à peine capable de nouer les lacets de ses souliers, et encore moins d'écrire un mot sans fautes, avait été béni par la main de Dieu, alors que lui, qui avait pris soin de sa langue comme de son bien le plus précieux, comme de l'enfant qu'il n'avait jamais eu, et qui nourrissait pour seul et modeste espoir de voir un jour le fruit de son imagination imprimé avant de quitter ce monde un sourire de bonheur aux lèvres, n'avait pas été doté du moindre soupçon de don de la narration qui lui permît de satisfaire ce désir insatiable dont le Tout-Puissant l'avait affligé.
La langue, ou ce qu’il était convenu de qualifier de style, les intentions de l’auteur et leur mise en œuvre, tel était son domaine. C’était un tailleur de pierre visant la perfection, coup de ciseau après coup de ciseau, un maître de l’art du stuc mettant la dernière main avec la spatule. (…) il se cantonnait à la musique, celle de la grammaire et du choix des mots, et y maniait la plume comme un chef d’orchestre sa baguette.
C’est un formidable outil que le mot. Dans les mains d’un maître [...], c’est une arme redoutable. Les écrivains sont des sirènes qui murmurent leurs chants à l’oreille des gens en leur promettant d’accéder à leur royaume. Ils sont porteurs de dangers et de tentations prohibées, ils incitent les lecteurs à s’aventurer dans des eaux périlleuses. Ils sont à redouter.