LA MUSIQUE
Partout où l'on touche l'homme
on touche le coeur.
Héraclite
O Musique, je connais la magie de vos orchestrations ; je sais quand vous coulez sur les violons comme des sources murmurantes et chaudes, et quand, suspendue, liquide et pénétrante, vous tombez sur le cœur comme du haut d'un roc qui s'égoutte et quand, parmi les cordes des violons confondus, vous n'êtes plus que rumeur haletante et sublime bourdonnement.
...
Voici la harpe romanesque, légère charmille d'automne, transparente, que l'on sent éplorée, où les arpèges vont se suspendre comme des grappes d'acacia qui secouent leur rosée.
Voici le cor aux sons tumultueux, hôte des bois, dont le puissant soupir est si vaste, si obsédant, si lointain, — si triste aussi, — qu'il semble soufflé par les lèvres mêmes de la pâle lune des parcs et des forêts d'été.
Ah! qu'il mesure bien, ce sanglotant cor, fou d'espace, la distance de la terre aux cieux!
Roi des nostalgies, Seigneur des bruyères d'Écosse, pâtre dément qui souhaite de commander au troupeau des astres et prétend les rassembler, il fait ricocher jusqu'aux nues ses échos noyés d'embruns où l'on croit percevoir telles paroles désespérées : « Je me souviens, je regrette, je désire... »
Extraits dans 'Amour' - pp. 71 & 74 (éd. B. Grasset, 1930).
La jeunesse.
Je suis la jeunesse, je possède tous les biens, et sur une étendue si longue qu il m'est possible de ne songer à rien. Ma paresse est poésie. J'ignore le terme des choses. Sur ma route je ne vois que prolongation, souvent monotonie, par conséquent sécurité. Je peux mépriser l'immédiat, dédaigner les désirs. Toute moisson s'efforce vers mes mains. Je fais rêver les antiques astres et la terre séculaire. Il ne m'est pas d'effort qui me soit facile ; mon courage m^me il ne faut pas l'appeler courage, il faut l'appeler espérance.