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Critique de Pasoa


« Un an de défiance, vers pour une année de confinement » est le premier recueil que je lis de Thierry Noiret, un petit livre d'impressions poétiques sur l'instant, sur cette période marquante que fut celle de la pandémie de la Covid et du confinement.

Par touches légères, par un resserrement d'images et d'évocations de son expérience personnelle, Thierry Noiret fait remonter à la surface de notre conscience (intime et collective) ce temps éprouvant fait de pénurie, de manque, de ce flot médiatique ininterrompu, paroles d'hommes sans visage (ils étaient responsables politiques, ils étaient experts scientifiques) qui nous parlait avec gravité de restrictions, de précautions, de risques. Et puis tous les autres, les invisibles, présents en première ligne (médecins, infirmières, soignants). le port du masque, les distanciations, les gestes que l'on disait « barrière », les couvre-feu (sur le feu qui couve), etc. faisait de nous des exilés involontaires, retenus dans notre propre maison, dans notre quartier, et partout ailleurs. Reclus chez nous et en nous-mêmes, la cité du dehors fermait ses accès :

« Pas de coiffeur de torréfacteur d'aviateur
pas de bar de terrasse de table ouverte
ni libraire ni bréviaire
pas de lupanar de caviste
ni de suaire
pandémie oblige »

L'expérience de la réclusion, du manque et de l'absence a éveillé d'autres ressources, dont celle de la mémoire. Dans de légères digressions et une belle écriture, Thierry Noiret se remémore Paris et Notre-Dame en proie aux flammes :
« (…)
Me suis promené
Mais n'ai pu m'approcher
Mettre la paume sur tes plaies
Mettre un nom sur ton brasier »

ou encore les senteurs, les saveurs douces de l'enfance et des terres arides du sud de la France :

« (…)
Sous l'antique pont qui traverse le Gard
La garrigue s'enflamme et inonde notre carré de terre
Ça sent le thym la grillade le romarin et l'eau
Qui n'est encore qu'une rivière
Cette odeur d'eau que nul parfum de femme n'égale
(…) »


Entre désenchantement et résilience, avec la crainte alors de tout perdre, Thierry Noiret écrit des poèmes concis, dépouillés. Des textes dans lesquels les vers, les mots effleurent et ravivent en creux des souvenirs nés de circonstances très particulières. Comme un éloignement, un dépaysement intérieur :


« Jamais je ne suis resté si longtemps loin de mon pays
Loin de mes racines
Jamais avant le temps n'avait occulté l'espace d'ici
A là-bas ma naissance
M'ont-ils oublié vont-ils un jour me laisser rentrer
Ai-je encore ma nationalité
Mes papiers se sont-ils désagrégés pulvérisés
Le virus les a-t-il dévorés
Existent-ils encore ceux qui ont peuplé
Ma jeunesse mon école mes murs
Se sont-ils effacés sans bruit sans pitié
Mes souvenirs mes murmures
Jamais ne suis resté ainsi si loin de mon enfance
(…) »


En plein confinement, il fallait savoir compter sur le pouvoir du langage et de la poésie pour maintenir un espace à soi, un espace de liberté.
Aujourd'hui, la pandémie s'est éloignée, le confinement est remisé. Restent les mots, précieux, comme ceux de Thierry Noiret.


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