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Critique de Wazlib


Vous le savez peut-être, je ne suis pas un grand fan des livres érigés au rang de "classiques", d'incontournables. Mais force est de constater qu'Abattoir 5 n'avait vraiment rien pour rebuter: un thème intéressant, des louanges unanimes, un auteur intéressant et drôle (que j'avais pu découvrir dans le léger et excellent "Elle est pas belle, la vie?"), une pagination tout à fait convenable... Je me suis donc lancé, et mon Dieu! quelle aventure!

Kurt Vonnegut nous livre ici un roman que l'on devinera bien souvent déguisant un conte moderne, sorte de fable progressant sur le terrain glissant des horreurs de la Seconde Guerre Mondiale. Glissant car si le thème est évidemment fort en émotions et tranches de vie, l'auteur a toujours tout intérêt à ne pas basculer dans une horreur trop crue ou au contraire dans un magma d'émotions qui saura faire exploser le lecteur au cours de sa lecture. Kurt Vonnegut, décidément, est un homme extrêmement intelligent.
Décidant de réaliser un roman véritablement autobiographique, il s'applique à rendre son histoire la plus juste possible. Et si évidemment, à l'inverse de son alter ego Billy Pèlerin, Kurt n'a pas "décollé du temps" suite à un kidnapping extraterrestre (les Tralfamadoriens), il n'en reste pas moins que le récit est purement autobiographique, au sens où l'auteur présente les faits et nous les rend le plus personnellement possible.
Cela donne donc un récit complètement perché, vaste déflagration d'absurde et d'un humour noir qui tape dans le mille à chaque fois. Billy Pèlerin, sorte de héros neutre (en fait, le terme "héros" est complètement illusoire, tant Pèlerin n'a rien d'un héros), va donc vivre différents fragments de sa vie successivement, puisqu'il a à proprement dit décollé du temps, et ainsi aperçu sa vraie nature: le temps n'est pas linéaire, ni dirigé vers une fin, mais une sorte de succession de moments figés dans l'ambre.
Billy Pèlerin n'a franchement rien de charismatique et est même une splendeur de passivité (il m'a parfois fait pensé à Stoner). Il sera parfois émouvant, parfois agaçant. Emouvant tant cette vie qu'on retrouve condensée en moins de deux-cent pages est riche en évènement douloureux, agaçant lorsqu'il se laisse porté fatalement vers l'horreur.
L'idée géniale de Vonnegut, c'est d'aligner côte à côte les moments foncièrement différents de la vie de Billy Pèlerin, et ainsi de créer des contrastes vertigineux mais tout à fait dans la continuité d'une trame narrative. Et ainsi, comme une lumière de bougie souligne l'ombre et inversement, le livre fonctionne ainsi: les moments qui font sourire (comme son voyage vers le zoo de Tralfamadore, fabuleux) mettent en perspective la colère aveugle traduite en bombe à Dresde. le tout est en plus extrêmement bien ficelé, Kurt Vonnegut parvenant à ne pas perdre son lecteur au milieu de tout ce bordel.
Alors, bien sûr, je peux vous parler de l'horreur de la guerre, du côté "antimilitariste" du roman, que l'on ne peut nier. Mais c'est en vérité la résultante de tout le reste, et je trouve bien plus intéressant la façon dont Vonnegut nous raconte son expérience magnifique car tellement subjective. Tout comme il n'est pas foncièrement intéressant de disséquer pourquoi on se dit que la peine de mort c'est pas bien à la fin de "La Ligne Verte". J'imagine que c'est le boulot des profs de français de s'y intéresser. Ce que je peux vous dire, c'est que l'effet est là, d'une puissance rare, et qu'effectivement: la guerre, ce n'est pas bien.

Alors lisez-le cet "Abattoir 5". C'est un petit chef-d'oeuvre où il est bien compliqué d'y voir des points négatifs. C'est proprement magnifique.
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