Il faut que j'aille dans l'antimonde et que je discute avec des antipersonnes et que de l'anti-lumière se répande sur les anti-objets ; il faut que j'entre dans un antihomme, voilà la seule contrefaçon probante de me sortir d'ici. Dorénavant : nonobstant : désormais !
L'homme n'était pas la seule solution pour sortir d'animal !
Je donnais l'ordre au vocabulaire de ne plus frayer avec la grammaire, j'interdisais aux chiffres de se compter, je demandais que tout soit fait pour fournir amplement à la musique de quoi s'taire ! Je donnais également des noms à ce qui est en vrai : la table ici, la pomme ici, le bruit ici, l'automobile ici, le cercle ici, la négative ici, le oui ici – et d'autres noms, tout ce qu'il y a de plus faux, à ce qui est faux : le vindilecte, l'hirlisie, le ruliet, l'éliomphe, la nitraine, le futrule, le janducle, le perciant, l'hilerpe, l'urnulet, le sictase…
Peu fier d'avoir un corps qui se voit, j'avais surtout grand'honte d'avoir après ma mort à vous laisser un corps qui reste ! Rien que d'y penser de le voir en dépouille j'en avais déjà honte pour lui ! Ma mère disait : « Donne-le à la terre ! » Je pensais : « Mais pourvu qu'elle accepte ! » J'aspirais à être en bois bref, ou rubifan, plastique élastifié ou en métal métalluré, et non en chair qui va nulle part.
Ma vie s'est bâtie sur le chiffre onze : je suis né un onze, j'ai été opéré un onze, le chien de mon grand-père a été perdu un onze et on m'a retrouvé un jour avec un couteau de vingt-deux coupé en deux, j'ai été déçu par les gens onze cent onze milliards onze cent septante et onze mille millions de onze cent soixante-deux.
La vie est déserte. Elle est morte pour les morts. A la fin, on devient des animaux… Comment peux-tu parler, si tu es mort, redis-je-redis-je à mon cada – alors que mon corps est là, seul, qui vit dans c't'amertume ?…