Une critique du capitalisme naissant ?… Pas seulement
Je m'attendais, à la lecture du résumé de l'intrigue, à un roman sur la révolte ouvrière. Et je pense que c'est un peu cela qui m'a freiné dans ma première tentative de lecture de cette oeuvre. En effet, de révolte, on en parle beaucoup, on tente de l'organiser pendant près de la moitié du roman mais on n'en voit pas la queue d'une arriver au bout du compte. Cette révolte est avortée dès le départ par la présence de vendus aux capitalisme et par l'indécision des quelques ouvriers prêts à se lancer dans la bataille. En gros, tous sont d'accord sur le principe, c'est au moment où il s'agit de passer aux actes que le bât blesse. On a ainsi l'impression que le capitalisme dévorant, figuré par cette forêt qui disparaît inéluctablement tout au long du roman, ne laisse aucune chance à ces hommes piégés voire emprisonnés dans cette ville éphémère d'Héléna qui n'a pas plus d'avenir qu'eux puisqu'elle « disparaîtra » une fois le dernier épicéa abattu. Cur y retournant, à la fin du roman, le constatera par lui-même.
Matthew Neill Null met ainsi en scène des personnages condamnés d'avance réduisant ainsi à néant tout espoir dès le début du roman. Je pense que c'est cela qui m'a un peu refroidi même si on ne peut reprocher à l'auteur de dépeindre ce que fut réellement cet épisode de l'Histoire américaine. La plupart des romanciers ont peut-être trop tendance à vouloir édulcorer les choses en disséminant quelques étincelles d'optimisme dans leurs écrits afin de ne pas refroidir trop vite leur lecteur.
Matthew Neill Null ne semble pas appartenir à cette catégorie et c'est sans doute cela qui justifie l'accueil enthousiaste de ce premier roman.
Cur, une sorte de Caïn moderne ?
Perdu dans cet univers de violence dont il ne possède ni les clés ni les armes, le personnage de Cur m'a, tout de suite, fait penser au personnage biblique de Caïn. En effet, outre l'initiale de son prénom, Cur est chassé par son père de la propriété familiale, sorte de paradis perdu auquel il pensera fréquemment. Son père affirme également sans scrupule sa préférence pour son autre fils disparu, Jesse. Chose étonnante, le prénom Jesse, vient en fait de l'hébreu « yishay », « Iavhé regarde ». Cur se voit donc banni par deux figures paternelles car le personnage d'Abel apparaît, en fait, plus tard, sur son chemin de croix en la personne d'Amos (A comme Abel). Cur et Amos sont en rivalité et lorsque Amos disparaît, Cur éprouve inconsciemment une culpabilité qui lui collera à la peau tout le long du roman (rappelant ainsi « l'oeil » de Caïn), oubliant presque que son véritable frère était un autre. Enfin le parallèle biblique me semble confirmé par les deux phrases clôturant le roman : « Chaque journée ressemblait à la précédente. C'était comme le paradis, c'était comme la mort« . Quoi qu'il fasse, Cur est damné sur cette terre. Je ne sais pas si j'ai vu juste mais en tout cas, cela m'a pas mal perturbé tout au long de ma lecture.
En définitive et malgré ma difficulté première à rentrer dans la lecture de ce roman, je le conseille vraiment. Persévérez si, comme moi, le début vous désarçonne car la seconde partie s'avère bien plus romanesque et addictive que la première.
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