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Critique de mesrives


« Minha selva, minha selva.

Qui peut vivre ici, des hommes
qui n'ont jamais connu de lois.
Je parle de la loi des hommes
dont la nature ne veut pas,
Qui connaissent comme personne
Tout ce que ne vous saurez pas,
La selva »

Survoler la selva, flotter sur la canopée,
Devenir l'esprit du jaguar.
Percer les secrets de cette pharmacopée à ciel ouvert
Découvrir les trésors oubliés des Indiens pourchassés
Voir la terre saignée la biodiversité menacée.

Gert Nygardshaug avec ce premier volet de la Trilogie de Mino nous emmène dans la forêt primaireviolée et blessée quotidiennement.
Il nous fait rencontrer les péones relégués ou exilés sur des terres devenues exsangues, côtoyer les plus miséreux, les déhérités qui s'en remettent aux padres, les pères de la théologie de la Libération mais aussi aux magiciens: les voies du Seigneur et de l'illusion sont parfois pénétrables...
Une des réponses aux injustices sociales et économiques, et aux déséquilibres écologiques engendrés par la construction de la Trans-amazonienne pour mieux satisfaire les consortiums étrangers pourrait être le renouveau de la voie messianique: Mino, le héros dans le zoo de Mengele en est-il un représentant ?

Mino pourra-t-il retourner à l'équilibre originel de la forêt, sera-t-il capable de créer un nouveau royaume et redonner leur dignité aux hommes de la selva?
« Le coeur de l'Amazonie. le pouls de la planète.
Les indiens, les plantes et les animaux, tout allait être détruit, anéanti, rasé de la surface de la terre. »
Mino que nous rencontrons dès les premières pages, devenu orphelin, se fait l'étendard de la selva, mais avant d'en arriver là nous allons le suivre et l'accompagner de son enfance à l'adolescence et partager son parcours atypique et extraordinaire semé d'obstacles et ponctué de rencontres bienveillantes qui lui feront digérer mais pas oublier les exactions des soldateros et des gringos .
Riche d'enseignements Mino s'ouvre alors au monde et ouvre son coeur : il sera alors prêt pour mener la lutte…armée.
Ses compagnons l'accompagneront dans son projet: leurs actions qui se réclament purificatrices seront-t-elle salvatrices pour la Terre Mère ?

Mino Aquiles Portoguesa, dit Mino, aux multiples identités, choisi comme nom de code: Morpho, allusion au Morpho bleu, grand papillon résidant dans la canopée des forêts primaires d'Amérique latine symbole de leur richesse..
« Dans les profondeurs de la jungle, il le savait, il existait de vrais miracles. Après tout, un mariposa, un papillon, relevait du miracle. Il avait quatre vies. Et la dernière prenait la forme d'une beauté pure, éblouissante. »
Suivre Mino c'est suivre ses métamorphoses, les métamorphoses d'un mariposo et je vous invite à découvrir son envol ! Deviendra-t-il un vrai magicien aux pouvoirs dangereux ?

Un conte philosophique, une fable écologique, un texte visionnaire, un récit poétique et merveilleux, un triller aux caractères dystopiques qui se dessine peu à peu.
Un univers onirique.

En aucun moment de part son écriture et son style foisonnant, l'auteur ne laisse transpirer ses origines norvégiennes, son implication dans la défense de l'Amazonie et un séjour de plusieurs mois l'ont littéralement imprégnés, le lecteur ressent l'expérience et la pratique de la selva, la connaissance des civilisations sylvestres et de leur mythologie: l'auteur envoûté nous ensorcelle et nous charme.
Il nous communique aussi sa passion des papillons qu'il fait partager à son héros Mino .

Formidable moment de lecture aux thématiques plus que jamais actuelles: de la Trans-amazonienne des années 70 nous sommes arrivés à la route Interocéanique reliant l'Atlantique au Pacifique (de Rio de Janeiro à la côte péruvienne via la Bolivie) des années 2000, soit déjà plus de cinquante ans de travaux colossaux au compteur: le tracé de cette dernière traverse la forêt amazonienne notamment la province péruvienne de Madre de Dios, réservoir fabuleux de biodiversité (850 espèces d'oiseaux et 200 espèces de mammifères) et elle contribue toujours et encore à la déforestation accompagnée du déplacement des populations indigènes, de l'augmentation des exploitations minières et des bois exotiques illégales…

« Noir labyrinthe des jungles
Où le chasseur disparaît,
Egorgé près de son flingue
Par le tigre qu'il voulait.
La chaleur et puis la fièvre
Et l'attente du passeur,
Voyageur.

Minha selva, minha selva. »

Extraits de« Minha selva » de Bernard Lavilliers de l'album : Champs du possible 1994
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