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Critique de Toscane22


Tim O'Brien, soldat en Asie, rêve, pour échapper à l'horreur de la guerre.
Vingt ans plus tard, à l'image de la plupart des vétérans, les souvenirs du Vietnam, toujours présents, lourds, encombrants, perturbent encore sa vie familiale et professionnelle. Ecrire devient alors une nécessité à la finalité triple : amoindrir voire exorciser les regrets, remords, culpabilités; rendre hommage à ses compagnons vivants et disparus; témoigner face au monde.

Quelles choses les soldats emportent-ils avec eux ? En une vingtaine de pages, le premier chapitre consacré à cette liste exhaustive ---barda de trente kilos de matériel obligatoire, de kits de survie, de fétiches et fétichismes personnels--- donne le ton et ouvre la porte des souvenirs.
L'humour noir ou blagueur selon les circonstances, s'entremêle aux descriptions poétiques des lieux, à l'horreur du carnage, aux récits parfois crus jusqu'à l'insoutenable, à la gaîté réelle ou forcée, au découragement comme au courage, à la vérité vraie et celle ressentie ou imaginée, à la perception immédiate que la mémoire enjolivera ou déformera …
Rêve ou réalité ? On ne sait plus exactement; mais le rêve permet de s'évader, de juguler cette réalité par trop inhumaine; et se trouve en l'occurrence être l'unique pilier de soutien, la seule échappatoire permettant de fuir l'enfer.
Le Trick or Treat du Halloween américain ! Littéralement : un bonbon ou un sort, qui peut aussi se traduire par la bourse ou la vie.
En fait … Eux ou Nous !

Lorsque l'on découvre que l'auteur applique cette pratique du rêve depuis son enfance, on peut logiquement se poser la question : est-ce cette faculté, cette habitude, qui lui a permis de survivre moralement au Vietnam ?
Et si le récit est dur, percutant, poignant, jamais, ni dans le passé ni dans le présent, il n'est glauque, trouble, voyeuriste.

Ce livre m'a ramenée des années en arrière, près de mon grand-père qui a fait la guerre 14-18, de la Crête aux Vosges et à l'Aisne, via la Serbie. Il n'en parlait jamais, n'en racontait que les anecdotes gaies.
Mais nous avons toutes les lettres que pendant quatre ans, il a envoyé à notre future grand-mère; y sont exactement similaires : le ton, le non-dit, le courage modeste, l'obéissance obligatoire aux ordres, les critiques camouflées, la lassitude sous-jacente, l'horreur dissimulée et parfois avouée, le rêve en tant que palliatif, et malgré tout, ou à cause de, la faim, plus exactement la rage de vivre.
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