Le silence était revenu. Une douce tranquillité ; ambiguë, inquiétante. De celles qui précèdent les montées dramatiques dans les films d'horreur et sont capables de réfréner les motivations les plus tenaces.
Pourtant Mirabelle ne céda pas à l'angoisse. Elle s'arrêta un instant devant la porte afin de vérifier que la lettre qu'elle avait extraite de son sac et placée dans la poche arrière de son jean s'y trouvait toujours, puis poussa le lourd battant de bois, prête à découvrir le pire.
Mais on a beau être préparé au pire, il y a entre lui et l'horreur un fossé que la plupart des âmes humaines ne peuvent franchir sans dommage.
L'homme la dévisagea durant de longues secondes en silence. À peine entré dans le café de la Roseraie, il l'avait repérée et s'était assis face à elle contre la baie vitrée, sans même s'assurer qu'il s'agissait de la bonne personne. Cette fille avait du chien ! On ne pouvait certes pas la qualifier de "beauté" au sens des canons communs, mais elle dégageait cette espèce de flux magnétique qui capte inexorablement tous les regards d'une assemblée. Ses grands yeux ambrés impeccablement ourlés de poudre violine invitaient à une plongée abyssale dans une âme secrète. Ses cils couverts de mascara brun s'étiraient avec élégance vers son front lisse et sa chevelure blond-doré aux reflets caramel éclairait son visage diaphane.