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Critique de Foxfire


Marilyn a été la première star que j'ai admirée. La seule que j'ai aimée intensément. Je collectionnais les images d'elle. Ma passion a débuté lorsque j'avais une dizaine d'années et en quelques années, j'ai accumulé une bonne centaine de cartes postales. Sans compter les livres de photos et les ouvrages biographiques. Il ne s'agissait pas d'une adulation hystérique comme certaines jeunes filles peuvent ressentir à l'âge où les hormones sont en ébullition. C'était une affection sincère, profonde et paisible. J'aimais Marilyn et j'aimais tout autant Norma Jeane. J'admirais son incroyable beauté bien sûr mais j'admirais aussi beaucoup l'actrice (encore trop sous-estimée) et je ressentais une affection pour la femme. Je la trouvais superbe sur les photos où elle est tellement star, maquillée, coiffée et vêtue de robes du soir qui mettaient en valeur sa silhouette, j'étais tout autant charmée par la Marilyn plus naturelle, simplement vêtue, les cheveux au vent, le maquillage léger mais j'étais tout particulièrement fascinée par les photos qui montraient sa mélancolie. A force d'observer, de scruter toutes ces images, j'avais l'impression de lire dans son visage. Et sur les photos glamour, où la star apparaissait tout sourire, je parvenais à distinguer au fond de ses yeux la tristesse de Norma Jeane cachée derrière l'illusion Marilyn. Etant cinéphile, une cinéphilie qui s'est construite petit à petit depuis l'enfance, j'ai admiré de nombreux acteurs mais je n'ai aimé aucun comme j'ai aimé Marilyn. Devenue adulte, ce sentiment s'est atténué. Non pas que je n'aime plus Marilyn, je trouve toujours que c'est une bonne actrice, une très belle femme et une personne touchante, mais disons que je suis davantage dans la réalité qu'autrefois.

Il était plutôt logique que « Blonde », le roman de Joyce Carol Oates m'attire. Et c'est bien le cas, j'avais très envie de lire ce livre mais quelque chose me retenait et il est resté plusieurs années à attendre dans ma PAL. Finalement, je me suis enfin décidée. Est-ce un bon roman ? Oui ! Ma réticence était-elle alors injustifiée ? Non ! « Blonde » n'est pas un roman pour moi, vu son parti-pris et son orientation, il ne pouvait pas me plaire malgré ses qualités.

Comme le précise très justement l'introduction, « Blonde » n'est pas une biographie de Marilyn mais un roman imaginant ce qu'a pu être sa vie, s'affranchissant de respecter totalement les faits, prenant des libertés avec la vérité. En tant que roman, je ne peux pas nier que « Blonde » soit une réussite. C'est bien écrit et remarquablement maîtrisé, la construction du récit est très bonne, les ellipses parfaitement gérées, les personnages sont fouillés psychologiquement. Voilà de quoi faire un bon roman. C'est vrai, et pourtant, d'une certaine façon, j'ai détesté « Blonde ». J'aurais préféré que Oates créé un personnage de toutes pièces plutôt que de mettre en scène une Marilyn fictive. Ce ne sont pas les approximations et les contre-vérités qui m'ont le plus dérangée, même si certains choix m'ont déplu. J'ai par exemple trouvé dommage que l'auteure aseptise l'enfance de Marilyn. Surtout, je n'ai pas aimé les parti-pris de caractérisation de di Maggio d'une part et de Miller d'autre part et la façon de dépeindre ces deux histoires d'amour. J'ai vraiment regretté que Oates choisisse de faire de Miller le gentil mari trompé et humilié et de di Maggio la brute épaisse et jalouse. Certes, Miller a offert à Marilyn son plus beau rôle avec « The Misfits » mais c'était un cadeau de rupture et le dramaturge ne s'est jamais privé de tenir des propos très durs envers Marilyn. Quant à di Maggio, il était sans doute un mari maladroit et un peu rustre mais il était sans doute aussi celui qui a le plus aimé Marilyn, le plus sincère, qui l'a aimée jusqu'à son lit de mort, qui l'a toujours soutenue même après le divorce (c'est lui qui l'a fait sortir de l'établissement psychiatrique dans lequel elle se trouvait suite à l'échec de son mariage avec Miller et à des fausses couches successives pour qu'elle puisse se reposer dans de meilleures conditions). Il était même question d'un remariage. La mort a frappé avant malheureusement… En y réfléchissant, je ne suis guère surprise que Oates ait préféré donné le beau rôle à Miller plutôt qu'à di Maggio, sans doute se sent elle plus proche de l'intellectuel bourgeois new-yorkais que du sportif d'origine sicilienne issu d'un milieu très modeste. Pour moi, c'est plutôt l'inverse.

Mais, comme je l'ai dit, ce ne sont pas ces approximations qui m'ont véritablement gênée. Ce qui m'a fait détester ce bouquin, c'est le personnage de Marilyn lui-même. Non pas que je n'ai pas aimé la Marilyn de Oates, mais plutôt parce qu'il m'a paru évident que Oates n'aimait pas Marilyn. J'ai détesté cette façon de la salir, de la placer dans des situations humiliantes, comme par exemple cette scène où, pour se faire pardonner les photos nues, elle doit sucer chacun des pontes du studio attablés dans une salle de réunion. Je ne doute pas que cela correspond à une certaine réalité, il s'agit d'un milieu pourri, d'un monde de requins, je ne doute pas qu'une pelletée de salopards a dû profiter de Norma Jeane. Pour autant, je n'avais pas envie de voir ces scènes explicitées. Tout comme je n'avais pas envie de lire toutes les 2 pages combien tous les hommes ont envie de baiser Marilyn. Marilyn humiliée, Marylin exploitée, Marilyn avilie, Marilyn violée, Marilyn ivre morte avec du vomi au coin des lèvres, Marilyn se faisant dessus… Je n'avais pas envie de lire ce genre de passages si triviaux, si explicites, si détaillés. L'implicite, les non-dits auraient été une marque de générosité et de tendresse de la part de l'auteure. A un certain moment, Oates évoque le fait que les femmes ne détestent pas Marilyn malgré sa beauté, qu'elles ne ressentent pas de jalousie à son égard mais, au contraire, de l'empathie à son égard. C'est tout à fait juste pour la plupart des femmes mais pas, selon moi, pour Oates. Je pense que l'auteure n'aime pas Marilyn, sinon pourquoi l'aurait-elle, tout au long du récit, réduite à son physique, et de façon très vulgaire en plus. En effet, l'auteure ne cesse d'évoquer la poitrine de Marilyn dans des termes parfois grossiers (« poitrine mammouthesque » par exemple) ou de parler de sa « bouche comme un con ». J'ai trouvé que ce n'était pas là un hommage ni même l'ambition de dépeindre la réalité mais plutôt une volonté de détruire.

« Blonde » n'était pas un roman pour moi. J'aime trop Marilyn. Au vu de ces indéniables qualités littéraires, je ne peux que le conseiller aux amateurs de Joyce Carol Oates. Par contre, si vous avez une tendresse particulière envers Marilyn, je vous conseille de passer votre chemin.

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