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Critique de evascardapelle


Entre "Le maître des poupées" et "La princesse-maïs", sortis respectivement en 2019 et 2017, Oates nous fait encore la démonstration d'une maîtrise parfaite du format court et du sens du drame. Dans son recueil le plus récent, elle aborde dans cinq Nouvelles les travers d'une Amérique qui perd ses valeurs, victime d'une violence aussi intense que banale, executoire d'une société divisée par les inégalités.
Dans "Soldat" et "Accident d'arme à feu", elle aborde le thème ultra sensible des armes en vente libre. Ce thème se retrouvera également dans son dernier (énorme) roman, publié fin 2019, "Un livre de martyrs américains".
Elle ne juge jamais, Oates.
Ses personnages sont terriblement humains, perdus dans les contradictions d'une société puritaine où il est pourtant normal de se faire justice soi-même. Dans un pays où les services publics sont inexistants sur des territoires denses, où, de ce fait, des pans entiers de la population sont laissés à l'abandon, l'arme à feu s'acquiert parfois dès le plus jeune âge et fait partie de la culture.Vous achetez votre premier fusil ou on vous le fournit, comme votre première voiture vous sera remise à vos 16 ans. Et cette arme se transmet comme un capital génétique à votre descendance.
Avec une écriture subtile où chaque mot compte, elle nous fait vivre la psychologie des personnages, victimes ou agresseurs. Et souvent chez Oates, cette distinction est floue. L'agresseur a été une victime et la victime devient un agresseur. Rien de plus complexe qu'un être humain !
La parentalité et ses nouveaux bouleversements, avec l'évolution rapide et sans concession de nos sociétés occidentales, se retouve dans deux Nouvelles absolument terrifiantes."Big Momma" dans le "Maître des poupées" fait écho à "La princesse-Maïs", Nouvelle d'ouverture du recueil de 2017. Je ne sais laquelle est la plus terrible. Tout simplement inhumain. Et...si réaliste !
Si vous vous êtes déjà posés cette question "Que deviennent les enfants qui disparaissent brutalement ?", Oates, dans ces deux Nouvelles, nous livre des possibilités de réponses...effroyables. Pas de sang, pas de gore. L'auteur nous fait juste pénétrer dans le cerveau des agresseurs et des victimes. Et ça suffit pour vous rendre K.O.(et accro à sa littérature !)

Avec "Personne ne connaît mon nom", "Personnages fossiles" et "Champignon mortel" du recueil "La princesse-Maïs", l'auteure américaine s'attache à dévoiler les revers des fratries et de la gémellité. le sentiment de jalousie, le rapport de domination, la manipulation s'expriment au travers de
petits signes que Oates dissèque, et c'est en ça qu'elle nous tient en haleine tout au long de ses histoires.
D'une virtuosité incroyable !
Et cette virtuosité atteint son paroxysme dans "Equatorial", Nouvelle centrale tant pour sa position (à mi parcours) dans le recueil du "Maître des poupées" que pour sa construction puisque Oates manipule finement (et divinement) son lecteur à l'instar de son personnage masculin, voyageur invétéré, accompagné de son épouse (ou celle-ci forcée de l'acccompagner plutôt !)
Tout en nous maintenant dans une tension extrême jusqu'aux dernières pages, comme dans un thriller bien ficelé, elle ébranle au passage, tout en délicatesse, le patriarcat et la certitude dont nous, l'espèce humaine, faisons preuve (et abusons) en matière de sciences naturelles et animales.

J'ai dévoré ces deux recueils de Nouvelles absolument terrifiantes. L'auteure aura 82 ans en juin prochain. Et elle n'a pas fini de nous ébranler...Du moins, c'est ce que j'espère ! Longue vie à vous, Mme Joyce Carol Oates !
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