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Critique de Foufoubella


C'est avec beaucoup d'envie, mais aussi une certaine dose de fébrilité, que j'ai démarré ce roman.
D'envie, car il me faisait de l'oeil depuis un bon bout de temps; fébrilité car, avec Joyce Carol Oates je ne sais jamais si je vais être totalement embarquée ou restée, au moins en partie, sur le bord du chemin.
Ce roman fait (presque) l'unanimité. Plutôt que de savoir s'il faisait partie des Grands romans de la littérature américaine, je me suis posé la question s'il s'agissait ici d'un des meilleurs romans de Joyce Carol Oates. J'avoue ne pas avoir de réponse à ma question, n'en ayant lu au final que quelques uns de cette prolifique écrivaine. Je peux par contre dire qu'il m'a marquée car plusieurs semaines après l'avoir terminé, il me reste encore en tête.

Joyce Carol Oates s'attaque ici de front à plusieurs thématiques, fondatrices pourrait-on dire de la société américaine. En effet, on pourrait croire de prime abord qu'elle parle uniquement de la question de l'avortement et des groupuscules « Pro-vie » qui en découlent, en contradiction avec les « Pro-choix ». Mais ce serait finalement très réducteur parce que l'auteure prend ce chemin pour parler également de la place de la religion aux Etats-Unis et, dans une moindre mesure, de la possibilité pour tout Américain de se défendre et de porter une arme à feu. Ce qui fait rire (jaune) – en tout cas ce qui me fait rire jaune- quand on sait que le droit de porter une arme, et donc, par extension, le droit de tuer, est inscrit dans la constitution alors que le droit à l'avortement n'est plus un droit fédéral depuis la suppression de l'arrêt Roe vs. Wade qui autorisait le recours à l'avortement dans l'ensemble du pays. Désormais, ce sont les états qui décident si oui ou non une femme a le droit de disposer de son corps comme elle le souhaite. Et ce qui est fait doublement rire (jaune) est que Joyce Carol Oates a placé son histoire en Ohio, premier état qui a abrogé le droit à l'avortement il y a quelque mois.

L'élément déclencheur de ce livre est l'assassinat d'un médecin avorteur (et encore, le réduire à cela est une erreur) par un « soldat de Dieu », partisan du Pro-vie, ce qui est assez paradoxal quand on y réfléchit ne serait-ce que cinq secondes. de là, elle déroulera le fil de son histoire en parlant bien entendu de ces deux protagonistes ainsi que des victimes collatérales que sont les familles et proches de ces deux hommes, familles se retrouvant inexorablement intimement liées suite à cette affaire. Et n'est pas forcément le martyr du titre celui que je qualifiais au démarrage de ce roman.

J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre que j'ai trouvé très bien écrit, très dense sans jamais en faire trop même si j'y ai trouvé quand même quelques longueurs. Les thèmes abordés sont bien traités et, surtout, sans aucun manichéisme. Je me doute de quel côté penche l'auteure (quoique je pourrais être surprise) mais rien n'est tout blanc rien n'est tout noir dans ce livre. Elle nous oblige à nous poser des questions, ce n'est pas pour le coup une lecture reposante, le lecteur doit s'y investir un minimum. Est-ce à cela qu'on peut qualifier un roman de Grand ? Si tel est le cas, celui-ci en est un.

En bref, un roman riche, très riche, qui ne peut laisser indifférent, porté par une plume surpuissante, un peu déroutante peut-être quand on ne la connaît pas. Un Grand roman contemporain sur la société américaine, comme elle sait si bien le faire, sur laquelle elle pose un regard scrutateur, vif et acéré. Une Américaine qui parle de son Amérique remplie de contradictions, de clivages, qui ne la ménage pas mais qui, au final, la regarde avec bienveillance et espoir. A quand le Nobel ?
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