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Critique de Osmanthe


La jeune Aya, narratrice de ce récit, est la fille de parents qui dirigent l'institut Hikari, qui recueille des enfants orphelins. Elle est proche du plus grand d'entre eux, Jun, qui a son âge, qu'elle connaît depuis déjà dix ans. le plaisir secret d'Aya est de venir s'installer discrètement sur les gradins de la piscine publique pour admirer Jun dont la passion est de plonger du haut du plongeoir. Ses muscles bien dessinés, son corps mouillé, ses gestes précis…Aya est fascinée et troublée par cette esthétique…

Mais quand elle n'est pas à la piscine et ne voit pas Jun, l'ambiance est morne à l'institut. Elle a le sentiment d'être finalement moins heureuse que les pensionnaires, sans doute plus choyés en raison de leur situation. Sa mère, une bavarde impénitente, lui semble étrangère, et son père n'apparaît jamais. Alors elle méprise la grosse Reiko, et pire, fait de la petite Rie, encore presque bébé, son souffre-douleur, en faisant exprès de la faire pleurer en se cachant soudain lorsqu'elles sont ensemble, histoire que la petite se croit abandonnée.

Heureusement, toujours, Aya retrouve bien vite la piscine, et se délecte par les yeux de la sensualité du corps de Jun…

Un jour, elle retrouve dans un tiroir de sa chambre un chou à la crème, oublié là depuis trop longtemps…Avant de le jeter, elle en propose la moitié à la gourmande petite Rie, et la regarde le manger, imaginant l'écoeurante acidité de son goût altéré, avec un certain sadisme. Peu après, Rie est malade, et doit être hospitalisée dans un état sérieux…

Aya n'en semble pas traumatisée, et part retrouver Jun…Elle savoure encore une plus grande proximité physique et leurs échanges, car Jun a bien compris qu'Aya aime l'observer au plongeoir. Il l'observe aussi, elle…Mais le charme, suspendu, fragile et maladroit, va contre toute attente se dissoudre brutalement.

Ce texte est un des premiers de la carrière de Yôkô Ogawa, datant déjà de 1990. Et c'est, déjà, un chef d'oeuvre. Il est gorgé de sensualité, une sensualité subtile, intellectuelle, pudique : il n'y a pas de sexe, ni même de caresses, mais elle passe par des notations, la peau, les muscles de Jun, l'ambiance mouillée, l'eau de la piscine et la pluie que les deux adolescents regardent tomber étroitement côte à côte…Aya ne l'exprime pas directement, mais aime à jouer avec l'idée sous-jacente de sexualité, avec ce Jun dont elle n'avoue, et ne s'avoue à aucun moment qu'elle l'aime. La psychologie de cette fille est complexe, elle a un côté malsain, peut faire preuve de méchanceté sadique, à s'en prendre à des jeunes déjà peu aidés par la vie. C'est son ambivalence, elle a une face lumineuse, une face obscure. Ogawa suggère, son style est imagé et poétique, tout en étant assez clinique, dur, car Aya ne se laisse pas aller vraiment aux sentiments, elle semble indifférente aux autres, et son obsession pour Jun apparaît presque inquiétante, centrée sur ces muscles, cela devient comme un objet de convoitise, qui satisfait une sorte de lubie égocentrique.

J'ai adoré cette ambiance, et pour le coup, il y a bien une chute dans ce court récit d'une soixantaine de pages. Un texte ancien d'Ogawa, qui laisse deviner déjà l'immense talent de l'auteure.
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