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Critique de Rebka


Rebka
26 septembre 2016
C'est le deuxième livre de Yôko Ogawa que je lis et je leur trouve pas mal de points communs. Nous retrouvons dans L'annulaire le même cocktail que dans Hôtel Iris : une jeune fille un peu candide, un vieil homme mystérieux, une relation plutôt perverse sur les bords (huum pas que sur les bords en fait). Ici, l'ambiance est encore plus bizarre, carrément surréaliste je dirai, et une sorte de brume malsaine englobe l'ensemble provoquant chez le lecteur un sentiment d'étouffement, de gêne et une inquiétude diffuse.
Si on se représente les scènes mentalement (ce qu'on fait normalement quand on lit) ou si on faisait un film de cette histoire, ça donnerait quelque chose de vraiment angoissant. Rien que le décor est flippant quand on y pense : un ancien foyer de jeunes filles transformé en laboratoire avec ses multitudes de pièces vides destinées à la conservation des « spécimens », sa salle de bain désaffectée (témoin muet de rencontres troubles et sensuelles) et son laboratoire dont nous ne saurons rien, il s'agit de la seule pièce interdite à la jeune fille. Ça rappelle un truc non ? Pour moi, nous avons là une sorte de Barbe-bleue en blouse blanche imprégné d'une odeur de formol : BbbrRrRr j'en ai des frissons ! M. Deshimaru est un maître taxidermiste d'un genre un peu spécial : il ne naturalise pas des animaux mais enferme et conserve dans des tubes à essai les souvenirs, les souffrances ou encore les mélodies qui empêchent ses clients d'aller de l'avant. Ces derniers peuvent à tout moment venir rendre visite à leur spécimen mais cela n'arrive presque jamais car « le sens de ces spécimens est d'enfermer, de séparer et d'achever ». Au fond, l'idée est bonne : pour « le prix d'un repas complet dans un restaurant français » (je cite) on se débarrasse de ses regrets, remords, obsessions ou chagrins… Ça vaut mieux que 3 ans sur le divan non ? Plus sérieusement, la métaphore est belle et l'image de ces souvenirs baignant dans le formol ne manque pas de poésie.
L'auteur a beaucoup de talent pour, en si peu de pages (on frise la nouvelle), ouvrir de tels abîmes et engendrer un tel malaise. Ce roman est aussi une réflexion profonde sur la mémoire, vouloir se souvenir ou vouloir oublier, et sur ces souvenirs qui demeurent toujours une part, même inconsciente, de nous.
Je n'ai jamais rien lu de semblable et je dois dire qu'après une première réaction de recul, j'ai bien envie de lire les autres romans de Yôko Ogawa… Et je vais le faire !
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