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Critique de Jolap


M. Deshimaru, taxidermiste de son état, embauche une jeune femme comme assistante. Ce n'est pas tout-à-fait un travail comme les autres. M.Deshimaru est taxidermiste du souvenir. Une bribe du passé, est consignée et répertoriée dans ce laboratoire pour le moins insolite chaque fois qu'un client en fait la demande .

Jusque-là j'ai cru à une fable poétique, une figure de style que je trouvais fort originale. Une liberté touchante qui augurait une lecture confortable. Je respirais à fond.
Mais je ne connaissais pas encore, M.Deshimaru, cet homme en grande blouse blanche qui parlait peu, ne posait pas de question à la candidate, mais précisait tout-de-même qu'aucune employée n'avait désiré rester à ce poste. Les conditions salariales sont très avantageuses, le travail n'est pas harassant, tout est lisse. Tout semble parfait. Une chance incroyable.....


Cependant, sur la poche droite, les poignées et la poitrine de la blouse de cet homme "irréprochable, équilibré" il y avait comme des traces de larmes. ah! La candidate ne sait pas pourquoi "mais elle sent l'imminence un danger qui la rend réticente";
Et là, tout doucement, la plume de l'auteur Yoko Ogawa me fait décoller, tranquillement mais sûrement.

Chaque interrogation de cette très jeune femme va être déjouée par cet homme au regard puissant.
J'ai pris de la hauteur et je me trouve au niveau des nuages. La jeune femme a maintenant pris ses fonctions, ses habitudes de travail. M.Deshimaru offre à son employée une très belle paire de chaussures en cuir noir. Il lui essaie, d'un geste ferme, sans forcer. Elles sont si adaptées "qu'on les croirait faites sur mesure". Il jette les vieilles chaussures. Et Clac elle est ferrée! Hier c'est fini. Hors d'usage. Aujourd'hui est une autre histoire.
Je continue à lire et prend de l'altitude. Je manque d'oxygène. J'étouffe. Les gestes de M. Deshimaru sont toujours fermes, et la jeune femme douce et inexpérimentée franchit les étapes de l'asservissement, puis de la manipulation, du harcèlement.

Il s'agit d'un roman court, intense. Chaque mot à sa place, une place stratégique, dépendante, magnétique.
Parfois je me dis que c'est incroyable: Que Vingt six lettres, toujours les mêmes depuis des siècles, brassées d'une façon tellement étudiée, tellement précise puissent provoquer de telles émotions, de tels ressentis, un tel mal-être, une telle ambiguïté malsaine.

Ce compte rendu ne concerne que le début du livre. Un petit livre d'une centaine de pages à peine que vous découvrirez vous-mêmes.
Je l'ai fermé. J'ai repris pied avec ma réalité. Je vous invite vraiment à monter à bord. Vous aussi vous serez probablement mal à l'aise, vous aussi vous noterez que la perversion rencontre parfois la pureté, la piétine comme on le ferait avec une vieille paire de chaussures usée, et vous direz comme moi, qu'un écrivain peut partager son talent même dans les couloirs de l'obscurité.
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