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Critique de zazy


Petite précision : je n'ai pas lu Purge, c'est donc mon premier roman de Sofi Oksanen.
Sofi Oksanen ne prend pas de gant pour nous parler tant de son passé que de la « boulimarexie » d'Anna et ce dernier aspect m'a mise très mal à l'aise devant l'étalement et le luxe des détails.

Katariina, sa mère, en épousant son finlandais, il sera souvent appelé ainsi, quitte l'Estonie annexée par l'URSS. En partant, elle doit abandonner la dépouille de sa vie antérieure à sa mère avec tous les souvenirs. « Contrainte d'abandonner son livret scolaire et le moindre document faisant référence à sa scolarité ; ainsi que ses certificats de travail ». Par contre, elle amène avec elle ses peurs, devenues phobies, son refus de parler de son passé, tous les non-dits, les horreurs, les déportations. . Elle refuse tout contact avec d'autres expatriées, de parler l'estonien... Il en va de même pour sa fille Anna à qui elle inculque ce déni.
« Je devais devenir finlandaise. Je devais parler, marcher comme une Finlandaise, avoir l'air d'une Finlandaise, même si je ne me sentais jamais au bon endroit, en quelque sorte jamais à ma place, comme dans un manteau avec des manches de longueurs différentes et trop petit pour moi, dans des chaussures qui m'écorcheraient à chaque pas. »

Anna exprime cette douleur par son corps et devient comme les vaches de Staline en alternant boulimie et anorexie. Elle fait payer à son corps ce qu'elle ne peut plus dire, plus sortir autrement qu'en se faisant vomir. « Je me suis mise à mesurer le temps en kilocalories »

Nous passons d'une époque à une autre, de la mère à la fille, voire aux grands-parents, de l'Estonie à la Finlande. Ces sauts dans le temps, dans la géographie, l'écriture heurtée et violente de Sofi Oksanen, l'apparent fouillis des chapitres participent au malaise mais aident à la compréhension de la confusion mentale d'Anna et de sa mère. le refus de l'amour, l'abandon et l'incommunicabilité sont les pierres angulaires. le père est au diapason lui qui fait le trajet inverse. Finlandais, il travaille en URSS où il mène une double vie.

C'est un sacré réquisitoire contre le totalitarisme. Ici l'on voit l'ogre russo-communiste tout dévorer et digérer. Il faut tout contrôler, tout épier, se méfier de tout….. Katariina agit ainsi avec sa fille, tout comme ses voisins et parentèle l'on fait avec eux. Anna est le résultat final de ce gâchis, des souffrances endurées par les générations d'avant sous le joug communiste. Anna et sa mère ne se donnent pas le droit d'être heureuses simplement ;
Je ne sais rien faire d'autre, pour ma peur, qu'essayer de la vomir. Mais elle ne part pas. La honte, j'ai réussi à la vomir ; mais qu'est-ce qui c'est passé ? Elle a été remplacée par une nouvelle chose à vomir. J'ai tellement peur que ça me fait bouffer tout le temps. Bouffer tout le temps me fait dormir. J'ai tout le temps envie de dormir. Parler me dessèche la bouche encore plus que la boulimie. »

C'est un livre âpre qui ne coule pas de source, il faut s'accrocher comme Anna et Katariina et on ne sort pas indemne de cette lecture. Bien qu'ayant eu la tentation de l'abandonner, d'avoir lu les chapitres concernant la « boulimarexie » en diagonale, je ne regrette aucunement cette lecture qui m'a ouvert un pan de l'histoire balte.

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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