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Critique de Rodin_Marcel


Oksanen Sofi, - "Les vaches de Staline" - Livre de poche, 2013 (ISBN 978-2253167365)
titre original "Stalinin lehmät", publié en Finlande en 2003.

NB : ce roman précéda "Purge", publié chez Stock en 2010 (cf recension).
Par d'incessantes et subtiles allées et venues, se succédant sans ordre apparent en des chapitres brefs, entre les tranches historiques que traverse l'Estonie entre 1940 et la fin des années 1980, l'auteur s'attache à montrer avant tout – mais pas seulement – les dégâts mentaux considérables que la partition de l'Europe entre pays "capitalistes" et pays "socialistes" engendra, tant dans les générations nées du temps de l' "Estonie libre", que dans celles qui subirent de plein fouet le "socialisme triomphant" et enfin celles nées juste avant la disparition des pays communistes européens.
Il y a dans ce récit une descente inexorable dans les tréfonds de certains comportements typiques de cette époque, comme – entre autres réalités – cette prostitution latente et permanente qui se manifestait dans tous ces pays dès que leurs populations étaient confrontés à la moindre "ouverture" aux gens de l'Ouest, ou encore cette véritable plaie qu'était l'alcoolisme dans ces pays-là.

Pour moi qui ai vécu en DDR-RDA, dont la population était en contact permanent avec la population d'Allemagne de l'Ouest, je retrouve dans ce récit maintes descriptions de la dure réalité, aussi fines que fouillées, obtenues par descentes concentriques successives (un peu à la Proust) dans les souvenirs et le psychisme de la narratrice principale, une femme née de père finlandais et de mère estonienne à la fin des années 1970 (comme l'auteur), souffrant de graves désordres alimentaires.
L'auteur fait également quelques allusions à celles et ceux qui – bien à l'abri dans les pays d'Europe de l'Ouest – n'ont pas vécu dans ces pays, qui sympathisaient même avec les communistes, et qui adoptèrent la posture consistant à refuser de constater qu'une telle réalité ait pu exister. de même que la majorité des allemands se réfugia après-guerre dans la soit-disant ignorance des camps de concentration, de même la population d'Europe de l'Ouest se boucha bien volontiers les yeux pour ne surtout pas voir ce qui se passait à l'Est – et la couche de nos intellectuels "engagés" porte une large et effarante responsabilité dans cette cécité volontaire.

On ne peut qu'admirer l'écriture sèche et sans emphase, la cohérence d'un récit oscillant pourtant constamment et rapidement entre diverses strates historiques, entre diverses intrigues, ainsi que beaucoup d'autres qualités littéraires.
Attention, c'est un récit dur, à épargner aux âmes sensibles.
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