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Critique de saigneurdeguerre


Petite piqûre de rappel : la « dictature » fut instaurée à Rome. Dans quel but ? L'autorité était confiée à un consul mandaté par le Sénat pour un temps donné, jamais plus de six mois, lors de circonstances exceptionnelles et tous les moyens confiés au « dictateur » devaient servir à résoudre le problème l'ayant conduit à être investi de cette autorité suprême dans ces circonstances d'une exceptionnelle gravité.

La dictature, telle que nous l'entendons aujourd'hui, n'a rien à voir avec celle établie à Rome, même si elle est de tous temps et de tous les continents.
Aujourd'hui pour instaurer une dictature d'un type nouveau, il faut, selon Michel Onfray, sept temps principaux :
- détruire la liberté ;
- appauvrir la langue ;
- abolir la vérité ;
- supprimer l'histoire ;
- nier la nature ;
- propager la haine ;
- aspirer à l'empire.


Critique :

Dommage qu'un livre aussi cher (20 EUR en France, 21,70 EUR en Belgique pour 230 pages) soit imprimé sur un papier aussi peu agréable au toucher ! Je trouve aussi que pour un ouvrage d'un ami du peuple, désireux d'éduquer les masses populaires, le prix est élevé… Passons…

Michel Onfray incite les gens à réfléchir, à penser correctement… C'est-à-dire… Comme lui ! Si vous avez un point de vue qui diffère, c'est que forcément vous vous êtes trompé quelque part ! (Ou que vous êtes victime de la société libérale-libertaire, ou pire l'un de ses partisans.)

Il est très habile pour établir des liens entre les mots et les idées qu'il prête aux gens… En particulier s'ils ne sont pas de gauche (de SA gauche). Prenons l'exemple de la page 14. L'auteur établit un lien entre le nom de code du débarquement du 6 juin 1944, « Overlord » (suzerain en français) et l'envie des États-Unis de vassaliser la France. Remarquez au passage, qu'il ne parle pas de l'Europe (ce machin insignifiant pour Onfray puisque la France se suffit bien à elle-même, vivement un Frexit) !

Il est très doué, au nom de la maîtrise de la langue, pour faire dire n'importe quoi à n'importe qui.
Onfray n'hésite pas à affirmer que les communistes français ont collaboré avec les nazis durant les deux premières années de la guerre en vertu du Pacte germano-soviétique. (Page 15) Toujours dans l'excès, ce brave Michel ! Entre l'attitude d'une majorité de communistes qui ne voulait pas faire de vagues, et donc pas de résistance aux Allemands, suivant en cela les ordres de Moscou, et en faire des collabos, il y a une nuance qui échappe complètement à notre génial linguiste philosophe. Qui lui échappe ? Non, je ne crois pas qu'il soit distrait à ce point. Ou c'est un grand malade souffrant de troubles obsessionnels ou il poursuit son oeuvre de sape pour convaincre les Français de, notamment, quitter l'Union européenne. Boris Johnson et lui ont plus en commun qu'il n'y parait.

Monsieur Onfray se la joue parfois Amélie Nothomb. Il préfère utiliser des termes qui lui permettent d'étaler tout son savoir plutôt que de s'exprimer clairement, de façon à ce qu'un plus grand nombre le comprenne. Un exemple ? Page 19, Maître Michel parle d'une « guerre picrocholine ». N'étant qu'un modeste instituteur ignare, j'ai cherché, et trouvé sans difficulté grâce à Internet, ce qu'était une guerre « picrocholine ». Je sens que vous avez hâte de découvrir le sens de cet adjectif, aussi dans mon extrême immodestie m'en vais-je étaler mon nouveau savoir : « Adjectif le plus souvent employé dans l'expression "guerre picrocholine", pour désigner un conflit absurde aux motifs obscurs ou peu glorieux. Vient de Picrochole, personnage du roman de Rabelais Gargantua, toujours prêt à faire la guerre pour quelques galettes de froment. » (Merci internaute.fr pour cette définition.)
Par une démonstration des plus capillaro-sensibles (ne cherchez pas, je viens de l'inventer pour me rendre intéressant), Inspecteur Onfray fait de Jean Monnet un trafiquant d'alcool (il a effectivement fait fortune en vendant de l'alcool à des trafiquants durant la prohibition) ayant pour projet de supprimer physiquement le général De Gaulle, et, bien entendu, le sieur Monnet a été payé par la CIA pour créer l'Etat « maastrichien ». (Page 21) Pour un grand défenseur de la langue tel que Linguo-Onfray, je m'étonne qu'il écrive « maastrichien » en lieu et place de « maastrichtien » qui est le mot français adéquat… (Larousse reconnaîtra les siens.) Précisons tout de même que Jean Monnet est décédé le 16 mars 1979… Avant les accords de Maastricht (entrés en vigueur le 1er novembre 1993) !

Notre génial auteur aime les formules lapidaires qui sonnent bien, font s'égosiller ceux qui partagent son point de vue et choquent à qui mieux mieux ceux qui le trouvent excessif : « […] l'Europe de Maastricht fut portée sur les fonts baptismaux remplis d'eau sale. »

Onfray établit des raccourcis lapidaires qui ne souffrent aucune contestation : « Giscard d'Estaing a toujours été antigaulliste, donc antisouverainiste. » (Page 21) (Au passage, monsieur Onfray, vous qui déplorez l'anéantissement de la langue française par ceux qui gouvernent et veulent l'abrutissement des masses, ne devriez-vous pas écrire « anti souverainiste » en deux mots au lieu d'un seul ?)

Remarquez que pour Onfray, il y a la gauche qui trompe le peuple et puis, la bonne, donc forcément la vraie, celle à laquelle il appartient, une gauche souverainiste (il n'aime pas dire nationaliste). A aucun moment, Monsieur Michel O. ne dit que le pouvoir dans l'Union européenne est réellement détenu par les chefs d'état et que c'est le Conseil des Ministres qui approuve ou désapprouve ce que propose la commission. On voit d'ailleurs souvent un pays seul bloquer une résolution européenne. Cela, monsieur le philosophe n'en tient guère compte car cela va à l'encontre de son « imparable » démonstration. Comme beaucoup d'idéologues populistes, Michel Onfray sait construire son discours en lui donnant des grands airs de défense de la démocratie, la « vraie » démocratie évidemment, en le ponctuant de phrases assassines vis-à-vis de ceux, très nombreux, qui ne font pas ce qu'il souhaite.

Les exemples de trahison du peuple liés à l'Europe ne manquent pas. Ainsi, par exemple, le référendum à propos du fameux traité constitutionnel européen du 29 mai 2005, rejeté à 54,68 % par les Français… Quelle bonne blague que de soumettre à un référendum un traité où les experts eux-mêmes ne s'y retrouvent pas ! J'ai, à de multiples occasions, essayé de le lire et j'ai fini par renoncer (trop de termes juridiques, trop de références à des matières que je ne connaissais pas, …). Bref ! Vu de Belgique, le référendum français avait tout l'air du pour ou contre le gouvernement national comme en d'autres pays car, quel citoyen a lu et assimilé tous les points qui figurent dans ce traité ? Qui ? A part Monsieur Onfray, bien sûr ?

Pour monsieur Onfray, le citoyen européen vit dans un enfer ! (Page 27) Pour moi qui ai accueilli ou accueille encore dans ma classe des enfants syriens, irakiens, rwandais, congolais du Kivu, salvadoriens, je conseillerais à monsieur Onfray d'aller vivre un peu là-bas, et puis on reparlera de l'enfer.
Pour le Grand Michel Onfray, c'est l'État « maastrichien » (sic) qui fait descendre les gilets jaunes dans la rue ! Dites, Monsieur Onfray, vous savez qu'il y a vingt-sept, ou vingt-huit, autres états dans l'Union européenne (ben, oui, le Royaume-Uni est encore là, mais il devrait s'en aller fin janvier 2020) et qu'il n'y a qu'en Belgique (très peu, et seulement du côté francophone) et qu'en France qu'on a vu les gilets jaunes ?

Je pourrais poursuivre mon argumentaire pendant des pages et des pages, en démontant nombre de ses soi-disant vérités, au point d'en faire un volume double de celui de MMO (Monsieur Michel Onfray). Mais je ne tiens pas à bousiller complètement vos loisirs, aussi n'irai-je pas aussi loin dans cette critique.

Monseigneur O. manipule allègrement les informations comme cela lui chante. Il est bien plus proche des dictateurs qu'il dénonce que des démocrates, qui de toute façon n'en sont pas pour lui puisqu'ils n'observent pas ses diktats, pardon, je voulais dire ses réflexions philosophiques très éclairées.
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