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Critique de GeorgesSmiley


«_ Qu'avons-nous fait de notre vie ?
_ Mais des souvenirs, lui dis-je. Nous en avons fait des souvenirs. Et peut-être une histoire. »
Quid de ce dernier volet de la trilogie le Vent du Soir ? Toujours aussi agréable à lire, empli de bons mots, de citations et d'histoires savoureuses.
Jean d'Ormesson promène ses personnages imaginaires sur tous les fronts de la seconde guerre mondiale. On y croise Churchill, Staline, Molotov, Lucky Luciano qui apporte son aide au débarquement de Sicile, et tant d'autres. Les soeurs O'Shaugnessy tiennent toujours la vedette. L'une devient le factotum indispensable de Churchill. Si Hess, le second d'Hitler, saute en parachute au-dessus de l'Ecosse en 41 ce serait par amour pour une autre, et la troisième aurait démasqué le fameux espion Ciceron à Ankara. Autant dire qu'elles sont partout, qu'elles voient tout et qu'elles participent à tout. Ca finirait presque par en devient lassant.
Le personnage le plus intéressant est donc paradoxalement celui qui ne fréquente ni les grands hommes ni les grands événements. Jeune lycéen dijonnais puis khâgneux parisien à Henri IV, ses souvenirs d'études, de concours ou de discussions littéraires et philosophiques avec ses professeurs se révèlent passionnantes. On ne se demande pas bien longtemps qui a bien pu inspirer ce personnage. Les anecdotes et les réflexions sentent trop le vécu pour qu'on ne devine pas que ce Jérôme, qui derrière ses études classiques et la préparation du concours d'entrée à Normale Sup, parvient à oublier les drames de l'occupation, doit énormément à son auteur. Les bons mots sont délicieux : « Jérôme tira au sort une lettre de Cicéron à son ami Atticus. Il l'attaqua avec vigueur. Elle se défendit bien. » C'est un charmant garçon, bon camarade, et, comme son créateur, il donne envie de (re)lire Chateaubriand à travers cet extrait de la Vie de Rancé :
« D'abord les lettres sont longues, vives, multipliées; le jour n'y suffit pas : on écrit au coucher du soleil, on trace quelques mots au clair de lune. On s'est quitté à l'aube; à l'aube on épie la première clarté pour écrire ce que l'on croit avoir oublié de dire dans des heures de délices. Pas une idée, une image, une rêverie, un accident, une inquiétude qui n'ait sa lettre. Voici qu'un matin quelque chose de presque insensible se glisse sur la beauté de cette passion, comme la première ride sur le front d'une femme adorée. Les lettres s'abrègent, diminuent en nombre, se remplissent de nouvelles, de descriptions, de choses étrangères; sûr d'aimer et d'être aimé, on est devenu raisonnable : on se soumet à l'absence. Les serments vont toujours leur train; ce sont toujours les mêmes mots mais ils sont morts; l'âme y manque : "je vous aime" n'est plus qu'une expression d'habitude, un protocole obligé, le "j'ai l'honneur d'être" de toute lettre d'amour. »
Nostalgique ? Oui, sans doute.
« Elle avait vingt-huit ans. C'était l'âge, en effet, où, après avoir brisé tant de coeurs et ravagé tant de carrières, les héroïnes De Stendhal et De Balzac se mettent à verser quelques larmes avant de songer à la retraite. »
Sentez-vous, comme moi, se lever le Vent du Soir ?
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