Elle a une élégance innée, une beauté secrète que les autres admirent en silence lorsqu’ils tentent de lire ses pensées dans l’émeraude de ses grands yeux félins.
Que celui qui souhaite nous apprendre une vérité s’abstienne de nous la révéler : qu’il nous laisse la découvrir par nous-même.
JOSÉ ORTEGA Y GASSET
Clara a dix ans. Son teint pâle lui donne un air d’enfant malade, et ses yeux d’un gris translucide ont le pouvoir d’inquiéter tous ceux qu’elle regarde. Elle possède un charme singulier, une beauté rare quoiqu’un peu étrange. Son père dit souvent qu’elle ressemble à une princesse de porcelaine. Clara est blanche, fine et délicate. Ses cheveux blonds sont bouclés comme ceux de sa sœur Jana. Pourtant Jana est très différente : elle est rêveuse, chaleureuse, la vivacité même.
Quand elle repenserait à ce matin du 18 juillet 1936, Jana ne garderait pas le souvenir d’avoir joué dans les vagues, elle ne se rappellerait pas l’odeur salée de l’écume fraîche et amène. C’est de la terreur qui déformait le visage de son père qu’elle se souviendrait, alors qu’il ramait de toutes ses forces pour rentrer chez eux dans cette barque d’emprunt qu’elle ne reverrait jamais.
Le monde de Jana venait de basculer dans le silence, l’inquiétude et la misère.
Elle va avoir huit ans : c’est une enfant chétive, frêle, presque insignifiante. Ses longs cheveux blonds se déploient en cascades brillantes. Où qu’elle passe, elle se fait remarquer, comme si sa présence n’était pas seulement physique. Ce n’est pas sa beauté qui captive les gens, mais son sourire et ses yeux si charmants qu’ils ont le pouvoir d’hypnotiser tous ceux qui les croisent.
Puisque le temps finira par faire taire les échos du passé, son énergie et sa lumière, et qu’il estompera les visages de ceux qui nous ont engendrés, je voudrais laisser une trace écrite de ce qui s’est passé. Et de ce qui vient d’arriver : je sais qu’ils ont découvert la dépouille minuscule à la Villa Marine. J’avais presque oublié qu’elle se trouvait là, la conscience en sommeil. Mais toutes les histoires commencent un jour, et celle-ci nous oblige à remonter le temps pour nous approcher au plus près des origines de la Bête.
Pour comprendre de quoi elle est faite, tu dois accepter de retourner dans le passé.
Si les psychopathes ont un point commun, c’est bien leur aptitude consommée à se faire passer pour aussi normal que le premier venu, alors que derrière la façade – le costume –, il y a un inflexible prédateur.
KEVIN DUTTON.
Passé et présent s’épient et s’entrecroisent dans le décor époustouflant d’une côte cantabrique sauvage et austère où bruissent encore des hiérarchies d’un autre âge.