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Critique de SophieChalandre


Bien plus qu'une quête des origines, ce roman épique de William Ospina, le pays de la cannelle, deuxième livre de sa trilogie sur la colonisation espagnole, est une quête d'identité individuelle et collective, mêlant discours historique fictionnel et dimension mythique de la réalité latino-américaine, dans une écriture à l'esthétique baroquisante qui n'aurait pas déplu à Alejo Carpentier.
L'auteur met en scène un narrateur, fils d'un conquistador décédé, parti au Pérou en quête de l'héritage paternel et raconte sa participation à l'expédition organisée par Pizarro à la recherche de forêts de canneliers, les conquistadores ayant déjà accompli la conquête et la destruction de l'empire inca. Cette quête de cannelle, plus rare et plus profitable que l'or, va mener cette expédition aux confins de la selva amazonienne et de son fleuve. L'aventure se révèlera démesurée, cupide, violente, foisonnante et initiatique.

Cette oeuvre s'inscrit dans le mouvement littéraire du "Nouveau Roman Historique de l'Amérique Latine" et en reprend donc tous les codes, avec pour objectif de proposer une nouvelle lecture et écriture historique fondatrice d'une identité latino-américaine revisitée par le métissage de ses constituants. Reprenant la théorie de la transculturation de Fernando Ortiz qui a marqué une majeure partie la littérature d'Amérique Latine du 20ème siècle, l'auteur élabore un discours historique porté par la littérature, depuis un narrateur d'origine à la fois espagnole et indigène, capable de comprendre ces deux mondes identitaires qui s'affrontent. le narrateur métis prête également sa voix à d'autres personnages en rapportant leurs aventures ou mésaventures, offrant à ce roman une polyphonie apte à évoquer la diversité des origines ethniques, culturelles et spirituelles qui détermine l'identité latino-américaine contemporaine.
Fidèle à cette tradition du "Nouveau Roman Historique de l'Amérique Latine", William Ospina joue en permanence de l'intertextualité pour mieux relire et réinterpréter les oeuvres qui ont bâti le discours officiel et donc dominant de la conquête espagnole en puisant dans les Chroniques des Indes, les Chroniques de Carjaval et surtout les Elégies de Juan de Castellano, laissant émerger dans ce roman une véritable célébration historique et géographique de l'Amérique Latine.

Enfin, c'est par le discours littéraire que l'auteur se propose de refonder le discours historique : dans une écriture au foisonnement très poétique, l'expédition en terre amazonienne devient mythique et magique, monstrueuse et sublime et révèle la crise identitaire du protagoniste-narrateur, la mémoire et son traitement poétique devenant source collective d'un nouveau narratif de l'Histoire latino-américaine. Ainsi, William Ospina propose de transformer un dialogue historique conflictuel des cultures latino-américaines en une synthèse esthétique respectueuse de la diversité de l'identité de ce sous-continent.
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