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Critique de Pecosa


Quand la puissance lyrique de l'écriture transcende la violence de la conquête.
L'écrivain colombien William Ospina a consacré une trilogie aux conquistadors espagnols dont Ursúa constitue le premier volet. Ces quelques 400 pages retracent l'odyssée de Pedro de Ursúa, qui mourut assassiné lors d'une expédition sur l'Amazone le 10 janvier1561. Témoignage dramatique et flamboyant de la colonisation à la manière des Chroniques des Indes -William Ospina a dit son intérêt pour les Elegías de varones ilustres de Indias du poète Juan de Castellanos-, le roman n'est pas une biographie même s'il attache à décrire la vie d'Ursúa , sa jeunesse navarraise et son périple américain. Le Basque quitta la Navarre, explora le nord de la Colombie, fonda la ville de Pamplona, monta une expédition pour trouver l'Eldorado en voyageant sur le fleuve Marañón. C'est lors de cette dernière expédition qu'il fut assassiné sur l'ordre de Lope de Aguirre, lorsque des expéditionnaires l'exécutèrent en 1561, ainsi que sa maitresse Inés de Atienza. On connait la suite de l'aventure pour l'avoir vue chez Werner Herzog dans le film Aguirre, la colère de Dieu ou chez Carlos Saura dans El Dorado (où Lambert Wilson incarne Pedro de Ursúa). Aguirre prit la tête de l'expédition et se déclara ennemi de la couronne d'Espagne.

William Ospina possède une écriture poétique d'une rare puissance d'évocation. Son roman est pétri de sensualité cruelle. Ursúa est un parcours hallucinant sur un vaste territoire constitué de milliers de tribus, un long périple sur ce que sont aujourd'hui le Vénézuela, la Colombie et le Panama, restitué à la manière des Chroniques compilant les faits les plus marquants comme les plus terribles des conquistadors espagnols. La voix du chroniqueur nous plonge avec effroi et fascination dans les heures noires de la conquête. Les Européens passent de l'émerveillement à la cruauté la plus sanglante aveuglés par la soif de l'or. La voix s'enfonce dans les forêts, se perd dans les savanes, marche sur les cadavres des Muzos de Colombie, des Tayrones, des cimarrones…
Le choix de faire d'un sang-mêlé, fils d'un juif converti et d'une indienne d'Hispaniola, le chroniqueur et le témoin privilégié de l'aventure espagnole en terre colombienne nous renvoie à ce que deviendra dès lors la population d'Amérique du sud, une population métissée et donne une résonance particulière aux vers de Pablo Neruda, "Salimos ganando… Se llevaron el oro y nos dejaron el oro… Se lo llevaron todo y nos dejaron todo… Nos dejaron las palabras."
Je n'ai qu'une hâte, me laisser de nouveau porter par l'écriture sublime d'Ospina, avec Le pays de la cannelle, consacré la découverte du fleuve Amazone par Francisco de Orellana et aux tribulations de Gonzalo Pizarro puis La serpiente sin ojos qui clôt la trilogie avec Pedro de Ursúa et Lope de Aguirre.
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