Camille : (éclatant de rire) Poser pour vous, Mais ce n’est pas sérieux du tout, je suis votre élève, comme Jessie et toutes ces respectables demoiselles anglaises qui ont traversé la Manche pour recevoir les leçons du Maitre. Je gâche le plâtre et pas vos œuvres … . et que diront Adèle et Anna, vos modèles favoris ? Je pensais que vous n’aviez d’yeux que pour le charme italien … .
Camille : Non, mais tu l’as déjà bien regardé ta Rose bobonne ? Monsieur l’arbitre des élégances vit avec une vieille roulure : les fesses tombantes, les seins flasques, le menton en galoche … . Elle a les yeux caves et les bras comme des ailes de chauve-souris ; elle est sèche comme un hareng saur, la rose fanée. Elle a des doigts griffus et elle sent le beurre rance, la Rose Beuret. Voilà la grande passion du génie des arts ! Quelle pitié ! Elle te tient sous sa coupe, mon pauvre Rodin.
Rodin : Doucement, doucement ! Vous obtiendrez plus par la douceur … . Vous semblez toujours en colère contre la pierre. On vous dirait engagé dans un duel singulier, comme si vous aviez un compte à régler avec la matière. Pour vous, la sculpture est un combat ; pour moi, elle est plutôt une joute amoureuse.
Paul : Tu es folle ! T’échiner à taper comme une sourde sur une pierre inerte. Cela me casse les oreilles. Comment veux-tu tirer une forme d’un grès si dur ? Tu ne peux pas te contenter de modeler la glaise, comme tout le monde, tu n’as pas assez d’argile dans les environs ?